Chapitre 23 : Sasha

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Je sens Léo arrêter de trembler alors que je l'embrasse. Tout se mélange dans ma tête. Je suis heureux, j'ai peur, j'ai envie de m'enfuir et pourtant je veux rester. Je ne veux pas me détacher de lui, je veux rester comme ça toute ma vie. C'est donc avec un effort surhumain que je m’écarte de Léo pour plonger mon regard dans ses yeux noisette.

“Ça va mieux ?”

Ma voix se veut assurée, mais elle tremble, et il doit forcément l'entendre. Tant pis. Il acquiesce au ralenti, comme s'il ne comprenait rien de ce qui vient de se passer. C'est sûrement le cas d'ailleurs, même moi je ne suis pas sûr de comprendre parfaitement.

“Pourquoi tu…”

Il ne finit pas sa phrase mais il n'a pas besoin de le faire. Je sais de quoi il parle.

“A ton avis ?”

Je lui souris, et il fait de même en retour. Il ne cherche pas à s'écarter de moi, mes bras sont toujours passer autour de lui et mes mains dans son dos.

“Pourquoi tu as paniqué comme ça ?”

Je n'ai pas envie de parler de ce que je viens de faire, et lui non plus je crois. De toute façon, c'était assez clair. Il m'a embrassé et j'ai fait de même. Qu'est-ce qu'on peut bien ajouter à ça ?

“Je… J'en sais rien, je… J'ai cru que tu me détestais, que j'avais tout foiré, que plus jamais tu voudrais me parler ou même me voir, que j'étais condamné à crever tout seul ici de fatigue et de douleur… Je suis un bon à rien, un incapable, je ne mérite même pas de vivre, mon père a raison… J'ai cru que tu l'avais compris, et que t'allais me détester, que tout le monde allait l'apprendre au lycée et que j'allais perdre tous ceux à qui je tiens un minimum, que... “

Il recommence à trembler et des larmes coulent en silence sur ses joues. Je le serre un peu plus contre moi, de façon à avoir sa tête sur mon épaule, et passe ma main dans son dos et ses cheveux dans le but de le calmer.

“Calme-toi, tout va bien, je suis là. Je ne te déteste pas du tout, loin de là. Et tu n'es pas un moins que rien, ni quoi que ce soit. Je me fiche de ce que ton père t'as dit, il ment. Il ne voit pas le vrai toi. Et ça va aller, tu ne te retrouveras pas seul, promis.”

Il renifle et je l'entends murmurer un simple “Merci”. Je souris de plus belle et appuie ma tête contre la sienne.

“Je t'aime Léo.”

Les mots m'ont échappé, je n'étais même pas conscient qu’ils étaient prêt à jaillir. Je me crispe alors qu’il s’écarte pour me dévisager. Je souris sûrement, et lui aussi. Les larmes qui avaient arrêtées de couler le long de ses joues font à nouveau briller ses yeux. Je n'aurais jamais dû dire ça, il va m'en vouloir. C'est certain, ses larmes le prouvent.

Pourtant, il se jette dans mes bras, presque au sens propre du terme, et se remet à pleurer, le visage enfoui dans mon épaule. C'est bien la dernière chose à laquelle je m'attendais. Il ne m'en veut pas ? Mais pourquoi pleure-t-il alors ?

“Qu'est-ce qu'il se passe Léo ?
-Rien, rien… C'est juste que… Personne ne me l’a jamais dit, pas même mes parents quand j'étais petit… Ça fait bizarre et…. Et je m'y attendais absolument pas…Je…”

Je souris. Ce n'est que ça. Une vague de soulagement monte en moi alors que Léo passe ses bras autour de mon cou, la tête toujours sur mon épaule. Et puis il murmure, d'une voix étouffée, les seuls mots que je veux entendre plus que tout au monde :

“Je t'aime aussi..”

Je le sers un peu plus contre moi et lui de même. Je ne me suis jamais senti aussi bien depuis que je suis en France. Et je n'aurais jamais pensé que ce serait un garçon qui me rendrait aussi content. Bon, je savais que j'étais gay. Depuis longtemps. Je n'en ai jamais parlé à qui que ce soit, simplement parce que je n'ai jamais eu besoin de le faire. Mais je n'ai jamais imaginé que c'est mon orientation sexuelle qui me permettrait de me sentir aussi bien que quand Axel était là.

Soudain, Léo s'écarte de moi et me lance un regard terrifié. Je ne l'ai jamais vu aussi apeuré.

“Mon père va me tuer…”

Il tremble et ramène ses jambes contre sa poitrine pour se balancer d'avant en arrière. S'il arrivait à oublier son père de temps en temps, ça lui ferait le plus grand bien. Parce que ses crises de panique à répétition ne l'aident franchement pas à aller mieux.

“S'il apprend que… Si jamais… Oh mon dieu il va me tuer !”

Il enfonce sa tête dans un coussin qu'il vient d'attraper. Il y étouffe un cri. Je m'approche de lui et lui demande de poser le coussin. Il va finir par s'étouffer… Il est en train de repartir pour une nouvelle crise de panique, il n'a pas besoin de s'étouffer en plus. Il m’ignore royalement, et j'ai beau lui répéter plusieurs fois, il refuse de le poser.

Et plus ça va, plus il a du mal à respirer. Qu'est-ce que je peux faire ? Je ne vais quand même pas lui arracher des mains ! Qui sait comment il réagirait… Je commence à paniqué. S'il lui arrive quelque chose, je m'en voudrais à vie. Je vais essayer de lui demander une dernière fois, on verra bien.

“Léo, pose ce coussin !”

J'ai presque crié. Ma voix était beaucoup plus agressive que je ne le voulais. Léo se crispe et pose très lentement le coussin, en me fixant d'un air terrifié. Au moins, il n'est plus en pleine crise.

“Merci… Il n'a pas besoin de le savoir, il ne te fera rien. Promis.”

Je pose ma main sur son épaule mais il a un mouvement de recul, comme si j’avais voulu le frapper. Ses yeux brillent de larmes, et je comprends qu'en criant, je lui ai fait bien plus peur que ce que je pensais. Peut-être que son père lui crie dessus de la même façon que je viens de le faire, et qu’il a eu peur que je le frappe moi aussi. Quel idiot… J'aurais dû faire plus attention…

“Léo, je suis désolé. Je vais pas te faire de mal, je te le jure. J'ai jamais voulu te crier dessus, et encore moins te faire peur. Je me suis emporté, je suis désolé. Crois-moi, je ne vais rien te faire.”

Il se détend légèrement, et je peux enfin le prendre dans mes bras. Il va falloir que je fasse très attention avec lui, si je ne veux pas qu'il ait peur de moi. Et il va aussi falloir que je trouve un moyen pour qu'il pense un peu moins à son père, histoire de faire moins de crise de panique. Ça s'annonce compliqué…

Aide-moi Sasha...Where stories live. Discover now