Chapitre 4 : Léo

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"Léo, dépêche-toi s'il te plaît !"

On est apparemment en retard. Enfin c'est ce que ma mère n'arrête pas de répéter depuis que je suis sorti de ma chambre. Pourtant, on est censé partir dans dix minutes, et tout est déjà prêt. On n'a plus qu'à nous installer en voiture et c'est parti. Mais bon, je vais laisser faire...

Je monte à l'arrière de la voiture et branche mes écouteurs. Hors de question que je discute avec mes parents pendant les deux heures de route. Ça serait pire qu'une conversation avec Maya.

Je crois qu'ils me parlent, mais je n'écoute pas. Ça fait bientôt une heure qu'on est parti, et comme prévu, je n'ai pas ouvert la bouche une seule fois. Si je tiens jusqu'à ce qu'on arrive à cette foutue réunion de famille, ce sera mon record.

"Léo !!"

Ok, à en croire la façon dont mon père vient de hurler, je ne vais pas battre ce record. Je retire un écouteur et relève la tête pour fixer la route qui défile.

"Merci."

Je me retiens de lever les yeux au ciel. S'il me voit, je suis officiellement mort. On retrouvera mon corps sur le bord de la route, et on pensera à un accident. Quelle bonne blague.

"On te demandait, explique ma mère, ce qu'il y a de nouveau au lycée pour toi.
-Pour moi ? Rien de particulier...
-Pas de notes ? insiste mon père.
-Euh... Non, je ne crois pas...
-Pourtant, j'ai cru apprendre que tu avais eu 14 en français et 11 en SVT.
-Oh, oui, c'est vrai... Je pensais vous l'avoir dit...
-Non, tu ne l'as pas fait figure toi.
-Désolé...
-Comment tu expliques ces résultats déplorables ?"

J'avale ma salive. Cette question est sûrement la préférée de mon père. Et ma mère ne dit plus rien. Je suis dans une merde royale. Quoi que je réponde, le résultat sera le même demain soir. Il attendra qu'on soit rentré chez nous.

"Je ne sais pas, j'ai eu du mal à retenir les cours et une fois devant ma copie, je n'ai pas très bien compris les questions.
-Tu as surtout oublié de travailler.
-Non ! Je te promet que j'ai révisé, tout le week-end même.
-On verra ça ce soir."

Mes mains tremblent de manière incontrôlable. Ce soir. Il ne va même pas attendre. Heureusement qu'il ne me regarde pas, il détesterait les larmes qui menacent de s'échapper.

J'ai remis mes écouteurs pour le reste du trajet. Il n'avait plus rien à me dire, et ma mère n'a jamais rien à me dire. A croire qu'elle s'en fiche complètement que j'existe. C'est sûrement ça d'ailleurs. Elle me défendrait sinon. Mais elle ne le fait jamais. Elle s'en contre-fiche de moi. Il n'y a que son boulot qui compte.

Nous nous garons dans la cour de mes grands-parents. Il y a déjà une dizaine de voiture. Nous sommes sûrement les derniers à arriver. Et devinez sur qui ça va retomber ? Bingo, sur moi. J'entends déjà la phrase qu'ils vont prononcer "Excusez-nous pour le retard, Léo n'était pas très pressé de partir ce matin." Sachant que nous ne sommes pas du tout en retard. Mais au moins, ils auront compris que je ne n'avais aucune envie de venir.

C'est mon grand-père qui nous ouvre la porte. Il envoit un de mes cousins chercher nos valises. Il porte un costume bleu marine avec une chemise blanche et la cravate assortie à la veste et au pantalon. Sans oublié les cheveux parfaitement coiffés, bien que peu nombreux. Il serre la main de mon père et embrasse ma mère en souriant, avant de me lancer un regard sévère en me tendant la main. Je déglutis en lui tendant la mienne. Il la serre avec une force un peu trop exagérée à mon goût.

"On n'attendait plus que vous, déclare-t-il d'un air grave.
-Excuse-nous Papa, répond mon père. Léo n'était pas particulièrement pressé de partir.
-Le contraire m'aurait surpris. Venez, entrez. Léo, rend-toi utile et va aider ton cousin avec vos valises."

J'acquiesce et me dirige vers la voiture. J'avais raison pour l'excuse du retard. Ils ont mis ça sur mon dos. Enfin bon, c'est juste un détail. Mon cousin, Arnaud, a déjà sorti toutes nos affaires du coffre. Il ne reste plus qu'à tout emmener à l'intérieur de la maison.

"Tiens, tu n'as qu'à prendre ces deux-là et je prends celles-ci. Si tu mets ce sac sur ton dos on devrait réussir à tout prendre en une seule fois."

Je m'interdis de soupirer. Il prend les deux valises les plus légères et s'éloigne sans même me demander mon avis. Je met le sac, qui s'avère être celui où j'ai mis mes affaires de cours afin de travailler un peu, sur mes épaules, ferme le coffre de la voiture et prend une valise dans chaque main. Je ne comprends pas pourquoi mes parents prennent toujours autant d'affaires. On ne va rester ici qu'une seule nuit ! J'aurais pu faire rentrer 100% de mes affaires dans mon sac de cours ! Mais il a fallu que je prenne trois tenues, plus celle que je porte actuellement et qui est loin d'être le genre d'habits que j'aime porter. On dirait que je vais à un mariage...

Je me dirige lentement vers la maison. Ces valises sont terriblement lourdes... J'espère que mes parents ne dormiront pas au deuxième ou troisième étage de la maison.... Monter les escaliers en traînant ces deux poids serait pire que tout. Presque tout.

Arnaud arrive en bas des escaliers au même moment que moi. Sauf que lui a déjà déposé les valises dans la chambre.

"Vous êtes dans la chambre au troisième étage, celle qui donne sur le jardin.
-Tous les trois ? Je n'ai pas le droit à une chambre à part comme d'habitude... ?
-Non. Pas ce soir."

Je me retourne pour voir mon père arrivé du salon. A en croire son expression, il est plutôt fier de lui. Et mes mains recommencent à trembler.

"Cela te pose un problème peut-être ?
-Non, enfin... Non, c'est très bien. Je monte les affaires et je vous rejoins."

Sans attendre de réponse, je file jusqu'au troisième étage. Aussi vite que je le peux. La prochaine fois, je dirai que j'ai mal au dos, peut-être que j'échapperai à la corvée de valise. L'espoir fait vivre.

Quand j'arrive dans le salon/salle à manger, ils sont déjà tous attablés. Il n'y a qu'une place vide, à côté de mon père. La mienne bien sûr. Je me dépêche de m'installer en étant le plus discret possible.

"On n'attendait plus que toi, fait remarquer mon oncle, le père d'Arnaud.
-Désolé...
-C'est toi qui va ouvrir le bal alors."

Pitié pas ça...

"Comment se passe tes études ? demande-t-il, même si n'importe qui autour de cette table aurait pu la poser.
-Euh... Ca va..."

Coup de pied de la part de mon père. Très bien, ma réponse ne lui a pas plu...

"Enfin, non, je veux dire... Ce n'est pas extraordinaire mais... Je m'en sors plus ou moins...
-C'est à dire ?
-Eh bien... Mes notes tournent autour de treize dans presque toutes les matières...
-Et dans les autres matières, sont-elles meilleures ?
-Oui, enfin en anglais... En physique elles sont... un peu plus basses...
-Précise.
-Elles tournent plus autour de... de huit... "

Nouveau coup de pied.

"Enfin huit c'est... dans les meilleurs jours. Généralement, c'est surtout... Autour de cinq... Voire moins...
-Quelle honte ! s'exclame mon grand-père. Tu ne travailles donc pas ?!
-Si ! Bien sûr que si ! C'est juste que... J'ai beau savoir mon cours par coeur, impossible d'appliquer ce que je sais pendant le contrôle...
-Tu mens. Si tu travaillais, tu aurais de meilleures notes. Regarde Arnaud, il travaille et il réussi.
-Je vais travailler encore plus, c'est promis.
-Je l'espère, car tu nous fais honte. Jamais un membre de cette famille n'a eu de si mauvaises notes.
-Ne t'inquiète pas Papa, intervient mon père en me fusillant du regard, je lui ferai comprendre à quel point ce qu'il fait est mauvais.
-Je n'en attend pas moins de toi."

Très bien. J'ai une annonce à faire : je suis officiellement fichu. Ce soir va être le pire soir de toute ma vie. Pourtant, ils sont tous pires les uns que les autres. Mais je pense que celui-ci va atteindre des sommets. Mes larmes menacent de couler rien que d'y penser. Ma vie est définitivement pourrie. 

Aide-moi Sasha...Where stories live. Discover now