16. Explications (chapitre final)

3.9K 183 113
                                    



-Tu veux entrer?

-Euh... Hum oui s'il te plaît merci Chiara.

Je fermais la porte sur nous. La soirée promettais d'être intéressante.

Je ne savais pas quoi faire. Ni quoi dire. Je ne savais rien, à vrai dire.

Pourquoi es tu venu, Théo ?

Un peu gênée, je m'asseyais sur la chaise que j'avais délaissé quelques minutes plus tôt.

Tiens, elle était encore chaude.

Le silence se continuait, devenant de plus en plus lourd, de plus en plus inconfortable.  Je ne voulais pas dire le premier mot. Hier, j'étais prête à faire le premier pas, mais les choses avaient changé. Il m'avait trahie, blessée au-delà des mots.

Point de vue de Théo.

Je ne savais plus où mettre. Son air de tristesse me rongeait les sangs. Et j'en étais la cause. Moi, Théo, j'étais la cause de son malheur. J'avais hésité jusqu'au dernier moment de venir la voir, mais attendre le lendemain pour m'excuser me semblait être le dernier acte de couardise dont j'étais capable. Alors j'avais pris mon courage à deux mains, mis ma fierté qui me criait que je m'en foutais de côté, et j'étais allé la voir.

Et maintenant qu'elle était en face de moi, j'étais paralysée. Qu'est ce qu'on dit à quelqu'un qu'on a trahi ?

On s'excuse. On s'excuse encore et encore, avec son âme et son cœur. Et on espère que la personne en face nous croira.

Je pris une grande inspiration. Je pouvais le faire. Je devais le faire.

-Chiara... Chiara écoute moi, regarde moi. Regarde moi dans les yeux s'il te plaît. Les yeux ne mentent pas, dis je avec douceur.

Elle leva doucement la tête, ses yeux, d'abord mobiles virevoltaient sur mon visage, s'attardant quelques fois sur mes mains tordues. Puis, elle les ancra dans les miens. La détresse que j'y lu me fit tressaillir.

Toute cette détresse... à cause de moi.

-Chiara, écoute moi, repris je. Je vais te parler, te dire ce que j'ai à dire, et puis, quand j'aurais vidé mon sac, tu pourras faire ce que tu voudras. Tu pourras ne rien répondre et me dire de sortir, et alors je te laisserais seule, et je ne t'embêterai plus. Ou alors, tu pourras me répondre, et je serais l'homme le plus heureux du monde.

Point de vue de Chiara.

"L'homme le plus heureux du monde"... si seulement je pouvais le croire.

Et alors, les mots commencèrent à sortir de sa bouche, d'abord hésitants, puis se bousculant pour sortir. Je l'écoutai, estomaquée.

Il me racontait son enfance, heureuse mais assombrie par le mystère entourant ses parents, le doute, toujours, de ne pas être à la hauteur et d'être abandonné de nouveau. L'amour fraternel qu'ils se vouaient avec Luc, l'amour et la reconnaissance qu'il avait pour ses parents de l'avoir adopté et ainsi sauvé d'une enfance triste, qu'il aurait passé dans un orphelinat perdu dans le beaujolais.
Mais, toujours, cette sensation de solitude, ténue mais insidieuse. Et puis elle. Elle, qui, souriante, se dirigeait vers sa cabine pour se changer. Le sentiment qu'il ne pouvait la laisser partir sans lui. Alors, il avait ouvert le rideau, amusé et attendri par son air choqué. La gifle qu'elle lui avait mis, qui l'avait un peu réveillé, mais pas tout à fait. La décision qu'il avait fait de la suivre jusqu'à ce qu'elle veuille de lui. La peur qu'il avait ressenti lorsqu'il avait vu la voiture filer à vive allure vers elle, le réflexe surnaturel qui s'était emparé de lui et lui avait permis de lui sauver la vie. Et de gagner sa reconnaissance. Son amusement, et encore, sa joie lorsqu'il s'était rendu compte que c'était elle la nouvelle colocataire de son frère. Son stress lorsqu'ils étaient sortis ensemble au restaurant, sa jalousie et sa colère lorsqu'il avait compris qui était Connor et ce qu'il lui avait fait. Son bonheur lorsqu'elle l'avait embrassé une fois, puis encore, puis encore. Le désir qui avait embrasé chaque parcelle de son corps. Le respect qu'il avait pour elle. L'inquiétude et la peine qu'il avait ressenti lorsqu'il avait entendu sa conversation avec sa mère. Son sentiment d'impuissance devant sa peine et sa rage.
Et puis sa douleur lorsqu'elle l'avait repoussé. Une douleur comme il n'avait ressenti qu'une seule fois dans sa vie : lorsqu'il avait appris qu'il était orphelin. La douleur de l'abandon. Les paroles envers Luc, son frère, son confident, son tout, qui avaient dépassé ses pensées et qu'il regrettait terriblement. L'alcool qu'il avait ingurgité à la fête. L'alcool, et les jeux qui l'accompagnent, qui lui avait fait faire le dernier geste irréparable qu'il pouvait commettre. Mais la pression des autres, la bouteille qui s'était arrêté sur lui, et il avait accepté, joué le jeu, toujours plus dégoûté de lui même. Les lèvres de l'autre qui se pressaient sur les siennes, inquisitrices, mais qui ne lui faisaient rien, tant il ne pouvait oublier les siennes. Sa confusion, sa honte quand il l'avait vu. Quand il avait compris qu'elle l'avait vu. Il l'avait appelé, mais il n'avait pas osé la rattraper. Et elle courait vite. Elle courait si vite qu'on aurait dit qu'elle avait vu le diable, avait rajouté Malorie. Peut être que c'est vrai, avait il pensé. Le sentiment d'être une ordure, qui l'avait poursuivi sans relâche toute ma journée. La décision qu'il avait pris d'aller la voir, incapable d'attendre le lendemain.

Nouveau départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant