Episode 41

181 24 2
                                    


A travers son cerveau obturé par la cocaïne, Frank finit tout de même par remarquer que son chauffeur le conduisait jusqu'à l'ouest de Las Vegas. Ce fut lorsqu'ils franchirent la limite invisible qui séparait Blacktown des quartiers moins pauvres autour, qu'il commença enfin à se demander à quoi correspondait exactement le lieu de rendez-vous. Une maison ? Un motel ? Un parking ? La fille ne l'avait pas dit.


Peu importait ce qu'elle racontait. Elle pouvait bien faire la maligne au téléphone. Elle n'aurait pas un rond, et il allait s'arranger pour qu'elle disparaisse à tout jamais, et ses maudits enregistrements avec. C'était la clé de son pouvoir, le truc que quelqu'un comme Benz ne comprendrait jamais : l'absence absolue de pitié. Pas de demi-mesure, pas de compromis. Si vous commenciez à laisser les gens s'en prendre à vous impunément, il n'y avait plus de retour possible.


San Juanito était une petite impasse pitoyable. Ça puait la pauvreté et la drogue de mauvaise qualité. Il n'y avait pas un chat, mais l'aspect des logements qu'ils longèrent parlait de lui-même : maison abandonnées par la crise immobilière – dans cette ville, on construisait trop alors que personne ne voulait rester – reconverties en squats pour junkies en perdition. Le numéro 36 ne faisait pas exception. Drôle de lieu de rendez-vous pour une journaliste.


— Vous êtes sûr que c'est là, patron ? demanda d'ailleurs le chauffeur, l'air un peu inquiet.

— Ouais. Pourquoi tu fais cette tête ? C'est qu'une putain de nana avec un diplôme d'une école de peigne-culs dans la poche. On est, genre, trente.

— Dix-neuf.

— M'emmerde pas avec tes chiffres. Elle a pas une chance.

— Vous avez raison, patron.

— Pas de signe du russkoff ou du chinetoque, en tout cas, marmonna le vieux parrain en observant les alentours avant de descendre.


L'église à trois pâtés de maisons sonna deux fois.

Le cortège de voitures s'était arrêté tout autour d'eux, formant un rempart entre Frank et la rue. Une fois les environs sécurisés, Pas-Steve se dépêcha d'ouvrir la portière du chef. Ce dernier eut un peu mal à s'extirper de la banquette moelleuse, mais il parvint à mettre pied à terre face à la maison abandonnée. Il y avait une lumière bleutée et vacillante à l'intérieur, comme celle d'un téléphone.


— Allons-y, les gars. On rentre, on capture la salope, on la ramène à la Mitchcave. Et on lui fait cracher où sont ses putain de documents. Attention, on ne tire pas pour tuer. Bien compris ?


Les hommes hochèrent la tête de concert. Frank remarqua qu'il n'était pas capable d'en nommer un seul. Il y avait eu un tel turnover ces derniers mois. Et puis, Billy... Bon Dieu, ce fils de pute dégénéré lui manquait.

Une poignée de mercenaires ouvrit la marche, et il claudiqua à leur suite en direction de la maison plongée dans le crépuscule.



♦♣♥♠



Il sentait l'étau se resserrer.


Il vida son verre de whisky et fit descendre le tout avec quelques lampées de bière.

Viva Las Vegas [Terminée]Where stories live. Discover now