Episode 2

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Il faisait soleil mais le vent du désert soufflait violemment, des rafales de sable balayant le sol aride, conférant au paysage une certaine beauté mélancolique. Cependant, dès le panneau d'entrée de Las Vegas franchi, la magie s'évaporait, faisant place à la démesure. Le bus laissa ses passagers sur le Strip et repartit vers une autre destination.


Nero posa un de ses sacs au sol, s'étira un moment tout en contemplant la ville qui allait a priori l'héberger pendant quelque temps. Ses yeux vert sombre, insondables, se tournèrent ensuite vers les deux jeunes filles qui l'accompagnaient. Un faible éclair de tendresse traversa alors ce regard glacial.

Patrizia, sa sœur aînée, évalua brièvement le décor, avec précision et acuité comme à son habitude. C'était une jeune femme sublime à la silhouette longiligne, avec un petit visage au long nez fin et des yeux dorés en amande. Elle était belle et elle ne l'ignorait pas ; elle dégageait une confiance en elle presque insolente. Cinzia, plus jeune et toute en rondeurs, ouvrait de grandes prunelles écarquillées en scrutant tout autour d'elle, ne sachant plus où donner du regard face à toutes ces couleurs et ces lumières. Elle avait un visage aux traits doux et tendres, un peu comme un délicieux bonbon. Dociles, les deux attendaient que leur frère leur indique la direction à prendre.

Celui-ci remit son sac sur l'épaule et leur fit signe de le suivre, sans un mot. Nero n'avait jamais été un bavard, et être indéchiffrable lui avait jusque là réussi dans le milieu où il évoluait. Il traversait les évènements en silence, aussi mystérieux et dangereux qu'une ombre.


Le garçon prit la direction qu'on lui avait décrite, quelques jours auparavant. Avant son départ précipité pour échapper aux brigades italiennes et aux gangs rivaux du sien. Il avait voyagé depuis, poussé en avant par une fuite permanente, puis avait pris le parti de s'expatrier aux Etats-Unis. Il avait de bonnes relations qui lui avaient recommandé Las Vegas et la simple mention de leur nom pouvait lui ouvrir bien des portes.

Il marchait d'un pas rapide pour oublier le vent de sable qui lui fouettait le visage, ses sœurs à sa suite. Aucune des deux ne se plaignait de l'allure ni du poids de leurs affaires, même si Patrizia était la plus encombrée. Ils durent marcher un bon moment, laissant le Strip loin derrière eux, avant d'atteindre le lieu qu'ils cherchaient. C'était une sorte de drive-in à l'italienne, dont les produits n'étaient pas des hamburgers et des frites mais des pizzas trop plates ou des penne rigate servies dans des boîtes en carton. Nero soupira. Ils étaient si loin de leur Italie natale.

Ils slalomèrent entre les voitures arrêtées dans lesquelles des gens ternes avalaient sans peine ni plaisir leur pitance. Une serveuse en patins à roulettes faillit heurter Nero, elle l'esquiva avec adresse avant de continuer sa route. Le jeune homme atteignit alors le bâtiment où se trouvaient le bar et les cuisines. Le patron le sonda du regard d'un seul coup d'œil à son entrée. Ce nouvel arrivant n'avait pas vraiment l'air du péquenot moyen venu simuler un repas à Venise dans une voiture crasseuse.

Nero arriva devant le comptoir et s'y appuya après avoir posé son sac au sol. 


— Le service se fait dans les voitures.
— Je cherche du boulot.
— Je suppose que tu ne parles pas de faire du patin à roulettes.
— Non.


C'était bien ce qu'il pensait. L'homme jeta un regard circulaire aux alentours pour vérifier qu'on ne pouvait pas les entendre. Il se pencha vers Nero et lui parla dans un murmure.


— Désolé, petit, mais j'ai rien à voir avec ce genre de trucs, moi.
— C'est pas ce que m'a dit Regatti.

Viva Las Vegas [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant