Chapitre cinquante-deux

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"Il n'y a rien que l'homme désire tant qu'une vie héroïque ; il n'y a rien de moins ordinaire à l'homme que l'héroïsme"

Jacques Maritain

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Point de vue de Jonathan :


Le laps de temps depuis notre crash m'échappait, flou et incertain, mais j'étais le premier à reprendre conscience après cette effroyable catastrophe. Par quelque mystère que je ne saurais définir, les armoires qui avaient agi comme notre rempart salvateur avaient rempli leur fonction à la perfection. Malgré quelques éraflures et marques éparses, elles étaient restées intactes, chaque pièce en place comme si elles n'avaient subi aucune épreuve.


La magie de leur préservation était indescriptible. On aurait dit qu'elles avaient été forgées dans un dessein bienveillant, s'accordant à notre besoin vital de protection. L'étrange sensation de sécurité que j'éprouvais en les observant contrastait avec la scène dévastatrice qui se déployait tout autour. Là où d'autres avaient peut-être échoué, ces armoires se dressaient triomphantes, prouvant que même au sein du chaos le plus absolu, il existe des lueurs d'espoir, de sécurité et de survie.


Une fois assuré que j'étais en un seul morceau, je portai mon regard vers mon colocataire Thibert. Je lui tapotai les joues, puis après quelques secondes, celui-ci émit un petit bruit et ouvrit les yeux :

- « Suis-je au paradis ? Où sont les anges ? Et pourquoi fait-il noir ici ?! »- « Non, Thibert, tu n'es pas au paradis. Et concernant l'obscurité, je te rappelle que nous sommes cachés dans des armoires, donc... »- « Mhhh... Cela me tue de le dire, mais ton idée n'était pas si folle que ça. Mais gare à toi, je ne le dirai pas de sitôt. », dit-il en poussant de sa main l'une des portes de l'armoire afin d'en sortir.


Je gardai le silence, mais en moi, je ressentais une certaine satisfaction de constater que Thibert reconnaissait désormais que d'autres personnes pouvaient avoir des idées ingénieuses capables de sauver des vies, comme c'était le cas ici.


Une fois sortis de l'armoire, le paysage qui se dévoilait devant nos yeux nous terrifia. Partout autour de nous, des morceaux de l'épave étaient éparpillés. Des corps gisaient à même le sol, tandis que d'autres étaient ensevelis sous des amas de morceaux de métal. Une odeur pénétrante d'essence et de brûlé nous frappa de plein fouet, accentuant l'horreur de la scène. Malgré notre frayeur, nous nous déplaçâmes avec difficulté à travers cette atmosphère macabre.


- « Il faut que nous trouvions Frida et ton père », dis-je à Thibert qui hocha la tête en signe d'approbation. Nous décidâmes de nous séparer afin de couvrir un champ de recherche plus vaste. Il prit à droite, moi à gauche. 

J'essayai de me frayer un chemin à travers les corps et les morceaux de métal. Après une dizaine de minutes, j'aperçus une partie de l'avion qui avait été conservée malgré l'impact violent. 

Je levai les yeux vers l'écriteau qui, malgré certaines lettres qui avaient sûrement été effacées par la chaleur qui s'en dégageait encore à cet endroit-ci, pouvait être identifiable : « C-B-I-N-DE-P-I-LO ».

Je pris une grande inspiration, puis je poussai la porte qui, fragilisée par le violent choc du crash, tomba sur le côté avec un bruit assourdissant.« Tout va bien ?! », me criait Thibert depuis son côté. Je lui répondis que oui et lui indiquai ce qui avait été à l'origine du bruit. Il me répondit par un simple « ok » avant de s'enfoncer encore davantage vers son champ d'investigation.
Guidé par une impulsion sombre, je me dirigeai vers ce qui n'était qu'il y a quelques heures la cabine de pilotage. Une atmosphère étouffante empreinte d'une odeur aigre de corps calcinés m'accueillit de manière implacable, m'assommant de tristesse et d'horreur. Je me vis contraint de plaquer un morceau de tissu contre mon nez, tentant désespérément d'échapper à cette puanteur insupportable qui semblait s'incruster dans chaque fibre de mon être.

Changement de vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant