Chapitre Deux

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"On dit que le désir naît de la volonté, c'est le contraire, c'est du désir que naît la volonté. Le désir est fils de l'organisation."

Denis Diderot

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Point de vue de Jonathan :

Je me réveillai au son de ma radio, affichant 11h sur son cadran. Avec nonchalance, je tendis le bras pour faire taire ce bruit qui agressait mes oreilles dès le matin. Je restai allongé pendant au moins dix minutes, fixant le plafond, me demandant si mes parents, où qu'ils soient, étaient déçus de moi. 

Et je savais qu'ils le pourraient, car au fond, je n'avais jamais été l'enfant qu'ils souhaitaient. En effet, à l'âge de 15 ans, j'ai dû leur annoncer que leur unique enfant était gay.

Ma mère fut attristée, et pendant deux semaines, elle refusa de me parler. Quant à mon père, il ne savait pas comment réagir et préféra garder le silence. Mais avec le temps, ils se firent à l'idée que j'étais qui j'étais, et que leur amour pour moi restait inchangé. Je restais toujours leur fils qu'ils aimaient tant. Pourtant, quelques mois plus tard, le hasard, ou peut-être la fatalité, détruisit ma vie en l'espace de deux secondes. Mes parents, qui travaillaient beaucoup à l'étranger, avaient pris un vol en direction de New York pour conclure un contrat avec l'une des plus grandes entreprises de téléphonie au monde.


Malheureusement, le destin peut parfois être cruel, nous rappelant la fragilité de nos vies au détour d'un événement tragique. Tel fut le sort de ces âmes courageuses, dont les rêves audacieux se sont évanouis dans les tourbillons d'une tempête implacable. L'Amérique, cet eldorado tant espéré, demeura un horizon lointain et insaisissable pour eux.

Les battements d'ailes de l'avion, autrefois porteurs d'espoir, furent engloutis par les rugissements du vent déchaîné. Le monstre céleste les saisit dans sa poigne sinistre, les emportant au-dessus des vagues déchaînées de l'océan Atlantique. Dans un dernier élan, leur espoir et leurs aspirations s'écrasèrent en même temps que l'appareil, dans une symphonie tragique de métal froissé et de vies brisées.


Les flots glacés engloutirent leurs corps, avalant leurs rêves inachevés et ne laissant derrière eux que le vide béant de l'inconnu. Les eaux sombres gardèrent jalousement leurs secrets, refusant de rendre les êtres chers qui leur furent arrachés trop tôt. Sans une trace, sans un vestige, ils disparurent dans les profondeurs insondables, laissant un sentiment d'absence éternelle dans les cœurs de ceux qui les aimaient.


Dans ce tourbillon de douleur et de désespoir, je me suis retrouvé prisonnier d'un sentiment insidieux. Je me suis condamné, me blâmant pour leur destin tragique. Les regrets ont creusé des tranchées dans mon âme, me plongeant dans un océan de culpabilité sans fin. J'ai érigé des murs impénétrables autour de moi, coupant les liens qui me rattachaient au reste de ma famille. Les éclats de rire qui autrefois animaient les réunions familiales se sont éteints, noyés dans un silence lourd de tristesse.


À l'aube de ma vie d'adulte, j'ai tourné le dos aux portes de l'éducation. Les salles de classe, jadis remplies de promesses, se sont transformées en prisons douloureuses, où chaque connaissance acquise réveillait en moi les souvenirs enfouis de leur absence. Mes aspirations se sont évanouies dans l'ombre de ce destin funeste, éteignant les flammes de mes ambitions. Les livres et les stylos ont été abandonnés, remplacés par le fardeau de la solitude et du chagrin.Pourtant, parmi les décombres de ma vie brisée, une lueur d'espoir persistait. Valérie, mon roc, ma meilleure amie, s'élevait au-dessus des ténèbres, un phare de compassion et de soutien. Telle une épaule solide sur laquelle je pouvais m'appuyer, elle ne m'a jamais abandonné, même lorsque mes pas m'ont mené dans les coins les plus sombres de mon existence.

Changement de vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant