Le siège de ma berline bleue

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T'es couchée sur la banquette arrière de ma berline bleue, la nuit nous fait de l'oeil et les phares de ma vieille bagnole illuminent le stationnement vide du club vidéo. Sous les jeux de couleurs des néons, y'a ta peau et la mienne qui se rejoignent à nouveau. Le vent mêle tes cheveux par la fenêtre entrouverte et bientôt, le monde extérieur nous sera presque imperceptible, noyé par la buée qui enivra nos corps. Et peut-être que demain, quand on se réveillera, le sourire aux lèvres, toujours coincés entre ces vieux sièges qui grincent, tu me diras que t'aimerais bien rester avec moi, une journée de plus. Et puis, sûrement qu'on regarderait le soleil se lever doucement, les pieds nus sur le toit de la voiture, avec de la musique tellement forte qu'elle nous rappellerait nos ébats de la nuit d'avant.

Mais, peu importe le scénario, tu repartiras en taxi ou en bus, les jambes croisées, les mains soudées et plus les kilomètres défileront, plus ton sourire s'affaissera. Parce qu'il y a cet autre garçon que moi, là-bas, qui t'attendra et t'aimeras mieux, je crois. Il passera sa main dans tes cheveux soyeux et déposera des millions de bourgeons entre tes pores, les nourriras de ses lèvres et, ensembles, vous grandirez et grandirez encore. Peut-être que quelques années plus tard tu te réveilleras, toujours dans ses draps, et tu te décideras enfin à venir me rejoindre.

Je sais que j'ai pas toutes les qualités qu'il faut pour te faire grandir, et j'ai pas les mots justes pour pouvoir t'exprimer ce qu'il y a en-dedans de moi quand je te vois. Mais, crois-moi, peu importe ou je serai, peu importe à quel point j'aurai changé ou combien de rides m'auront défiguré; je t'attendrai, les bras croisés, accoté contre le coffre-arrière de cette vieille berline bleue rouillée.

c'est çaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant