chapitre 9

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La semaine tant redoutée arriva bien trop vite à mon gout.

J'avais passé le début de semaine à essayer de convaincre ma mère de me laisser partir pour la Californie.

Elle refusait et changeait chaque fois de sujet.

-         Andrew ! Descends maintenant, crie papa depuis le bas de la maison. On est déjà assez en retard comme ça.


Je me regarde dans le miroir.

J'ai l'air d'un guignol, rien ne va.

Mon costume est trop long, trop noir, trop triste, trop...

Je souffle.

Mes cheveux sont trop longs, trop noirs, trop tristes, trop...

Je souffle.

Rien ne va et rien n'ira plus jamais.

Parce que je suis sur le point d'aller voir celle que j'aime, celle que j'aime, celle que j'aime.

Celle que j'aime depuis si longtemps que ça me fais mal.

Je suis sur le point d'aller voir celle que j'ai abandonné, tristement délaissé parce que je suis un pauvre gars, un pauvre lâche.

Je suis sur le point d'aller voir celle qui me faisais rire, qui m'épanouissais, celle avec qui je projetais un avenir.

Je suis sur le point d'aller voir celle que j'aimais, que j'aime et que j'aimerais jusqu'à mon dernier souffle, mon dernier battement de cœur.

Je suis sur le point d'aller la voir en tenue de mort, comme si c'était moi qui étais partis, comme si c'était moi qui étais dans les ténèbres...

Alors non, rien ne va.


-         Andrew ! insiste ma mère.


Je regarde mes yeux.

Ils sont trop tristes, trop vulnérables, trop apeurés, trop...

Ma mère débarque dans ma chambre sans prendre la peine de toquer.

Quand elle me vois dans mon costume, elle fond en larmes et vient me prendre dans ses bras.

-         Oh Andrew, mon enfant... je suis désolé.

J'ai envie de lui demander pourquoi, pourquoi est-elle désolée ?

Juste pour entendre le prénom de Liz de sa voix si rassurante.

Elle caresse lentement mes cheveux, d'un geste mécanique et me berce dans ses bras.

Et je défaillis.

Je me revois, moi, 1an, 3ans, 5ans, 7ans, 10ans, 14ans.

Je me revois pleurant à chaudes larmes dans ses bras, me laissant aller complètement comme je ne le ferai jamais avec qui que se soit d'autre.

Et je me dis : une mère c'est un peu une éponge à problèmes, à douleurs, à soucis.

Elle absorbe les larmes en chantonnant.

« Allez viens, j't'emmène au vent, je t'emmène au-dessus des gens, et je voudrais que tu te rappelles, notre amour est éternel et pas artificiel ».

-         Merci, je murmure en la serrant dans mes bras. Je crois que j'ai frôlé l'hystérie.

Elle redresse mon menton avec son index.

-         Tu peux craquer, c'est normal. Tu peux accepter d'être faible juste le temps d'un instant, de te laisser aller. C'est ça faire son deuil : accepter et avancer. Mais avant ça, il y a le lâcher prise.

-         J'ai besoin d'Aiden pour l'étape "lâcher prise ".

Elle lâche un rire exaspéré.

-         Tu ne vas pas lâcher l'affaire, hein ?

-         Maman...

-         Ça va, tu pourras partir demain matin. Tu serras libre.

-         Vraiment ?

-         Je dois accepter... accepter le fait que je ne suis pas la seule à pouvoir te venir en aide.

Je saute de joie et manque de trébucher sur sa robe noire, trop noire.

Et la tristesse revient d'un coup, elle me frappe en pleine poitrine et me traite d'imbécile.

-         Tu devrais enfiler des lunettes de soleil, me glisse maman en quittant la chambre.

Et puis j'ai souriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant