Et puis j'ai souri

quelques mois plus tôt

 Un long silence s'était emparé de nous, il nous enveloppait.

On avait froid, mais on ne faisait rien pour se réchauffer.

On s'ennuyait, mais on ne faisait rien pour s'occuper.

J'aimais bien le silence.

J'aimais le silence d'Elizabeth.

Elle était le genre de fille qui n'avait pas besoin de parler, de sortir un seul mot pour qu'on l'apprécie.

Elle était le genre de fille qui s'en fichait de parler, elle ne se sentait pas obligée d'ouvrir une conversation.

Elle regardait les étoiles.

Et moi, je la regardais, elle.

-Hé ! Elizabeth ?

Lucas vint mettre un terme à ce silence tranquille en titubant vers nous.

La baie vitrée toujours ouverte après son passage, laissait passer la musique qui me transperçait les tympans.

Il avait l'air surprit de me voir là, avec la fille-que-je-fixe-tout-le-temps-sans-jamais-lui-parler.

C'était compréhensible.

Il avait l'air pas mal éméché.

Il m'avait prévenu qu'il boirait, mais pas à ce point.

Toute l'année, il m'avait bassiné pour que j'accepte de l'accompagner à cette soirée.

C'était certainement sa façon de se rendre compte qu'il était bien là, qu'il avait réussi à me faire venir.

La gueule de bois qui l'attendait, il s'en souviendrait toute sa vie.

Il avait eu envie de nous rejoindre.

Il tentait de s'approcher, mais trébuchait et tombait dans les bras de Liz :

-Ouf, avait-elle lâché surprise par son poids.

Elle entreprit ensuite de le déposer au sol, l'asseyant contre le muret.

-Il est défoncé, affirmait-elle.

Lucas relevait un peu trop vivement la tête et lui chuchotait :

-La Terre tourne...

-Ouais mon pote, la Terre a toujours tourné, rétorquais-je.

Liz se retenait de rire.

Son sourire en coin me donnait envie d'embrasser ses fossettes.

-Donne-moi les clefs de ta voiture, disais-je à l'adresse de Lucas, je vais te conduire jusqu'à chez toi.

-Ouais, en fait...mes clefs...c'est Drake qui...

Et il vomissait sur le balcon de la magnifique villa de Kyle.

-Drake a tes clefs de bagnole ?!

-Il voulait...je sais plus ce qu'il voulait. Il voulait mes clefs.

Je soufflais un grand coup, me tirant les cheveux.

Liz semblait calme, comme si elle avait déjà eu affaire un million de fois à ce genre de situation.

Je lui faisais alors signe de m'aider à porter Lucas hors de chez Kyle.

La rue était calme, la grande majorité des gens étaient chez Kyle, l'autre partie s'était enfuit loin du vacarme de la fête.

-Il va falloir prendre le prochain bus, expliquais-je.

-Andrew, commençait Liz, c'est la nouvelle année. Il est minuit passé, il n'y aura certainement pas de bus avant...

-Ok ok. On va aller au parc. J'appellerai ma mère demain matin.

-Je ne suis pas chaud pour dormir...dans le froid. Dans l'herbe, commentait Lucas avec difficulté.

Je réfléchissais.

-Nan...nan. Tu as raison. On va trouver un immeuble et on dormira dans la cage d'escalier.

A Portland, les gens se faisaient bien plus confiance que n'importe où ailleurs.

Et aujourd'hui, ça allé nous servir.

Les portes seraient ouvertes, on n'aurait pas à chercher bien longtemps.

-Je ferai mieux de retrouver Lina, me confiait Liz. C'était cool de parler avec toi Drew.

J'eus un sourire en coin.

Trop heureux de ce que je venais d'entendre.

J'aurai pu partir un millier de fois, juste pour l'entendre m'appeler comme ça.

-On en est déjà à se donner des petits surnoms, Liz ?

Je l'avais vu rougir malgré la pénombre.

Elle était belle.

Encore plus quand j'en étais le responsable.

Je la taquinerais, je la complimenterais jusqu'à mon dernier souffle.

Juste pour la voir sourire, juste pour la voir rougir.

Juste pour la sentir frémir.

Je lui souris, passais mon bras sous les aisselles de Lucas pour l'aider à marcher et tournais les talons.

J'accordai un dernier signe de tête à Liz.

Un signe de tête qui voulait dire tellement de choses : "j'espère que tu n'oublieras pas cette soirée, j'espère que tu ne m'oublieras pas. "

On faisait souvent ça : un petit signe, qui veut dire de tellement grandes choses.

Un petit signe qui signifie tellement, qui en cache beaucoup.

On faisait souvent ça : la fausse indifférence.

-Attends !

Je m'étais arrêté net.

Liz courait dans notre direction.

-Lina doit être raide et...elle va certainement dormir ici. Je pense que tu as bien plus besoin de moi qu'elle.

-Si c'est ta manière subtile de me dire que tu veux passer du temps avec moi, c'est rater...

Elle avait eu un petit rire.

-Alors ? Vous m'acceptez ?

-Youhou ! Tu déchires LizLiz !! beuglait Lucas.

(