chapitre 1

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Je me réveil en sursaut.

Aujourd'hui ne sera pas une belle journée : j'ai encore rêvé d'elle et ça va me poursuivre à chaque instant.

C'est fou comme le simple fait de penser à une personne peut empoisonner ma vie.

Je pense à elle, partout.

Je m'en veux, partout.

Et partout, j'ai envie de dépérir, pleurer, crever.

C'est tout ce que je mérite...

-Andrew ! Tu vas encore être en retard en cours, crie ma mère depuis le bas de la maison.

-Je me lève !

Quand j'arrive enfin à me délivrer de ma couette, la tête me tourne.

Cette chambre ne m'a jamais paru aussi petite, aussi superficielle...

Je devrai être mort.

Je ne devrai pas avoir le luxe de me réveiller dans une chambre, bien au chaud, à l'abri de l'hiver.

En bas, je trouve maman en train de me préparer le petit-déjeuner et papa affalé sur le canapé, journal en main.

-Comment tu te sens aujourd'hui ? veut savoir maman.

-J'affronte la vie.

Elle me lance un regard trop plein d'amour, d'inquiétudes et d'incertitudes à mon goût.

Tout en m'installant à table, je ne la lâche pas du regard, comme pour la mettre au défi : "vas-y, ose t'inquiéter, ose me plaindre. "

J'aimerais qu'elle me déteste, qu'elle crie, qu'elle me dise que je suis un monstre.

-Des nouvelles du monde, papa ?

-Toujours les mêmes scores au basket et au foot, avec toujours les mêmes joueurs milliardaires. Et pendant ce temps, la guerre fuse le plus loin possible de chez nous.

-Rien de nouveau alors, je murmure pour moi-même.

C'est notre petit rituel : il pense que le sport sert entièrement à nous divertir pendant que d'autres meurent. Sans sport, ça serrait la panique, on se rendrait tous comptent d'à quel point notre monde est horrible. Sans amusement, on aurait beaucoup moins de mal à voir l'horreur.

Alors moi, je me contente de l'écouter chaque matin, en gobant mes céréales chimiques.

Je ne fais pas de sport et je me prends la réalité en pleine face.

Dans un dernier élan de panique, maman dépose un baiser sur mon front et disparaît.

-Ta mère est une super-héroïne, commente papa.

Je souris.

Elle est infirmière et peut être appelée de jour comme de nuit à l'hôpital.

Mais jamais elle n'a échoué dans son rôle de mère.

Elle est bienveillante et malgré la fatigue, elle reste la femme la plus extraordinaire que je connaisse.

Une fois lavé, habillé et sac sur les épaules, je quitte la maison en criant :

- A ce soir !

- N'oublie pas ton casque, rétorque mon père.

J'empoigne mon skate en criant :

- Je suis en skate, pas en scooter !!

- Mais tu connais ta mère, si elle te voit sans casque, tu...

Je suis déjà bien trop loin pour entendre la suite.

Le lycée s'est métamorphosé.

Il y a une semaine, aucune affiche traitant sur le suicide n'était placardée sur les murs.

Il y a une semaine, les gens ne pleuraient pas, n'étaient pas à bout de nerfs et n'arrivaient pas en retard à tout bout de champ.

Il y a une semaine, elle n'était pas morte.

J'aperçois de suite Lucas au loin, appuyé contre un mur à l'entrée du lycée.

Il semble en pleine conversation avec une fille aux cheveux rouges, dont je ne connais ni le nom, ni la vie.

Elle a l'air ou bord des larmes, ou peut-être que je confonds cela avec de la rage ?

Se sentant observé, Lucas tourne le regard vers moi, m'aperçoit, chuchote quelque chose à l'oreille de la fille, puis me fais signe d'approcher.

A l'instant où j'arrive à sa hauteur, la fille disparaît.

-C'était qui ?

-Hein ? Ah ! June. C'était une amie de...tu sais...

J'ai horreur de ça.

Horreur que depuis sa mort, personne n'ose prononcer son prénom.

Elle mérite au moins ça.

Une personne morte mérite au moins qu'on lui rende hommage en murmurant son nom...

Et puis j'ai souriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant