Her last words...

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Néanmoins, je continue de penser à Nathan. Tous les jours. Le ciel de Nouvelle-Angleterre, tellement différent de celui du Nord-Ouest Pacifique, me donne l'impression qu'il est très loin de moi.

Un mardi soir, après le dîner, je traverse le campus à pied pour me rendre à l'autre bout de la ville. J'ai repéré un vieux cinéma là-bas et j'ai envie d'y jeter un coup d'œil.

C'est une longue promenade mais je suis contente de faire un peu d'exercice. Je suis étrangement sereine ce soir. Je ne me sens pas seule. Je vais au cinéma.

"Quinze minutes plus tard, nous voilà sur le perron - nous deux plus une autre fille du pavillon. Le van de Spring Meadow nous prend à dix-huit heures trente-six."

Le cinéma s'appelle The Academy.

"Le chauffeur nous conduit au centre-ville de Carlton, dont on fait vite le tour puisqu'il se compose en gros d'une seule rue. Il se gare devant un cinéma à moitié délabré au nom original et bien trouvé : le Carlton."

Il ressemble beaucoup au Carlton. Je paie les cinq dollars d'entrée et je m'achète du popcorn bon marché. Je remercie la fille qui remplit mon cornet jusqu'à ras bord.

"Vern, le vieux gay, finit par avoir un illumination. Il décide d'aller s'acheter des billets et de rentrer dans le cinéma. Le reste du groupe lui emboîte le pas."

"Le Carlton est une poubelle. La moquette du vestibule pue le moisi. La tapisserie se décolle. Les couloirs sont froid, humides et parcouru de courants d'air. Par contre, le pop-corn ne coûte qu'un dollar. C'est un bon point."

"Emily et moi on s'achète du pop-corn et un coca chacune."

Une fois à l'intérieur, je m'assois vers le fond. Il y a une douzaine de spectateurs éparpillés dans la salle.

La lumière baisse et je commence à mâchonner du popcorn en m'absorbant peu à peu dans l'histoire.

"Dans la salle, on s'installe en rang d'oignons. Je m'assois complètement au bout. Emily à côté de moi. Après il y a Vern, et puis tous les autres. Les bandes-annonces démarrent. Je remonte la fermeture éclair de ma jaquette et j'inspire un grand coup.
C'est parti pour la soirée cinéma."

"- On s'en fout !!

- Chuuuuuuut.."

"- Vous voulez bien faire moins de bruit ?

- Vous voulez bien me lécher la sucette ?"

"- Tue-le ce batard.

- Tire-lui dans tronche !"

Le mardi suivant, je remets ça. Je parcours la ville d'un bout à l'autre, toujours en ayant ces souvenirs à l'esprit, dans le froid, jusqu'à l'Academy.

"Je me fais chier. Je n'arrive pas du tout à suivre l'histoire, je m'ennuie à mourir et je commence à sentir les prémices d'une attaque de fourmis - c'est quand ton cerveau te crie : OU EST NOTRE DOSE QUOTIDIENNE DE DROGUE ET D'ALCOOL ?? ON LA VEUT MAINTENANT !!"

Quitter le campus est un excellent moyen de se détendre et d'oublier un moment les contraintes de la vie d'étudiante.

J'ai conservé cette habitude à ce jour. Je continue de sortir – pas tous les mardis, mais presque. C'est ma soirée ciné.

"Le mardi suivant, on se fait belles pour la soirée ciné, Emily et moi. On a pas grand-chose sous la main, mais on se tartine le visage du mieux qu'on peut avec le maquillage bon marché acheté au Rite Aid. Le van arrive. À part le chauffeur, il n'y a que Vern et une inconnue à bord."

Bien sûr je songe à Nathan chaque fois que j'y vais. Peut-être qu'au fond de moi, j'attends qu'il me rejoigne, qu'il s'assoie à côté de moi et qu'il pose ses grands pieds sur le dossier d'en face.

"- Le problème, c'est plutôt que tu ne veux pas voir de film avec moi. Mais j'ai compris que ce n'était pas un rencard. Il n'y a pas d'ambiguïté, ne t'inquiète pas.

- Non. Je n'ai pas envie, c'est tout. Je préférerais faire autre chose. Et si on allait patiner ?

- Tu m'as dit que tu détestais patiner.

- J'ai envie d'essayer, finalement. Ça à l'air marrant."

J'ai compris un truc : on peut changer le cours des choses. On peut réparer ses erreurs. Recommencer une nouvelle vie s'il le faut.

Et puis il y a l'irrémédiable. Ce qu'on perd à tout jamais. Certaines personnes. Certains moments gâchés parce qu'on les a vécus a une époque où on se blindait contre les émotions, faute de savoir s'y prendre autrement.

"- Nate ?

- Oui ?

- Je t'aime.

- Je t'aime aussi, Kay."

On ne les voit pas venir, parfois on les ignore quand ils arrivent ; mais plus tard, quand on s'installe dans une certaine monotonie, on réalise à quel point ils étaient importants.

On comprend enfin qui a compté dans nos vies, qui nous a fait tel qu'on est.

Je ne veux pas dire au revoir à Nathan. Ni à Emily. Je les garde auprès de moi.

Nathan. Mon premier amour. Mon meilleur ami. Mon prince.

Emily. Ma première véritable meilleure amie. Ma sœur. Celle que je n'oublierai jamais. Ma princesse.

Si jamais Nate, tu reviens, tu sauras où me trouver. The Academy. Je suis toujours ici. Les pieds en l'air. En train de mastiquer du pop-corn. Une place libre à mes côtés.

- Kaylee Rose Williams.

© MOONLIGHTS-BABY, 2015.

Addiction [TERMINÉE]Where stories live. Discover now