J'aperçois deux hommes dans la cabine.

- Bonsoir, me dit le conducteur.

- Bonsoir.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Rien. Je suis avec mon copain. Il a un peu forcé sur la boisson.

- Regarde, il y a quelqu'un dans la voiture, chuchote le passager.

Je tente de les embobiner :

- Il va bien. Je vais le ramener à la maison.

Je secoue de nouveau le pied de Nathan en marmonnant son nom.

Les deux hommes échangent quelques mots à voix basse. Ensuite ils coupent le moteur. Un frisson de peur descend le long de mon échine. La camionnette me barre le chemin vers le bar.

Personne ne peut nous voir.

Les portières s'ouvrent et les inconnus descendent. Un grand silence règne à présent sur le parking. Il fait très sombre. Leurs bottes crissent sur le gravier.

Le passager fait le tour de la camionnette pour mieux m'examiner. Ils jettent des coups d'œil autour d'eux.

- Ton copain, là, il a toujours son pantalon sur lui ? M'interroge le chauffeur.

- Oui. Évidemment. Il a juste besoin de s'allonger un peu. Il est en train de se réveiller.

- Ah ouais ? J'ai pas l'impression, moi.

Ils ne sont clairement pas là pour m'aider. Ils portent des casquettes pleines de taches de graisse.

L'un d'eux a de longs cheveux grisonnants. Ils sont horribles et je lis d'horribles pensées dans leurs esprits. Je me mets à bafouiller :

- Vraiment, ça.. ça va aller. Je maîtrise la situation.

- Tu te figures pas qu'on n'a pas compris ton manège ? T'es en train de te faire du fric, dit le passager.

- Non, je.. je suis son amie.

- Mais bien sûr..

Il se baisse et regarde le corps inerte de Nathan par la vitre.

- Je crois qu'il a son compte pour la nuit.

- Tu as pris son portefeuille ? Me demande l'autre.

- Non. Puisque je vous dis que je suis une amie. Je le ramène chez lui.

Ils s'avancent vers moi.

- Tu prends combien ?

- Vous vous trompez. Je suis lycéenne.

- T'as pas une tête à aller au lycée.

Tout en reculant, je m'efforce de réfléchir. Qu'est-ce que j'ai sur moi ? Des clés. Mon portable. Rien d'autre.

- Je te propose vingt dollars, petite.

- Non merci.

- Tu as tort de refuser de l'argent, poursuit le conducteur. De toute façon, on peut se servir gratis.

Le bar apparait de nouveau dans mon champ de vision. Qu'il est loin ! Je tente de remplir mes poumons pour hurler mais j'ai tellement peur que je ne peux pas respirer normalement. J'ai la gorge serrée...

Ils se consultent du regard et passent à l'action. Ils sont plus rapides que je n'aurais cru.

En un éclair, ils sont sur moi. Le passager me saisit bras-le-corps et me plaque à terre. Il pue la transpiration, l'essence et le whisky.

L'autre attrape la boucle de ma ceinture. Je lui lance un coup de pied en appelant à l'aide :

- Nathan !

Je parviens à rouler sur le côté et à me mettre à genoux. Malheureusement, celui qui me tenait a toujours son bras autour de mon cou. Son copain me tombe dessus par-derrière et m'écrase de nouveau contre les cailloux.

Le premier colle sa grosse main sur ma bouche. Je le mords.

- Ahhh ! Beugle-t-il.

- Chuut ! Siffle l'autre.

- Nath... !!!

Je voudrais crier mais aucun son ne sort de mes lèvres. Ils me clouent au sol. Je les entends grogner près de mon oreille, je sens leur haleine sur ma peau.

Je me tortille, je lutte, jusqu'à ce que l'un d'eux me bloque la nuque avec son genou. J'ai le visage enfoncé dans la poussière. Ma bouche se remplit de gravier.

Je suis prisonnière, face contre terre. Ils ont défait ma ceinture. Mon jean glisse sur mes hanches. Impossible de me dégager malgré mes efforts, je suis complément coincée.

Mon pantalon est maintenant baissé jusqu'au genoux. La sensation de ma peau à nu me terrifie. Je ne renonce pas à me battre. J'essaie de hurler, de bouger, de donner des coups de pied..

Ma culotte craque. J'arrive à libérer mon cou et je cherche à me tourner quand un bruit attire subitement mon attention. Une porte claque et une voix de femme retentit :

- Hé ! ! Qu'est-ce qui se passe là-bas !?

Les hommes se figent. D'un bond, ils se lèvent et courent se réfugier derrière leur volant. Je regarde vers le bar, je distingue une femme en tablier debout sur le pas de la porte de derrière.

- Qui est là ? Insiste-t-elle en scrutant la camionnette qui démarre sur les chapeaux de roues avant de disparaître au coin du bâtiment.

Des tourbillons de poussière s'élèvent dans le sillage du véhicule. Je me mets à cracher de la terre, des graviers et du sang. Je roule sur le dos et je remonte mon pantalon.
Le bouton du haut est arraché.

La dame s'aventure sur le parking.

- Tu n'as pas le droit d'être ici, me dit-elle. Propriété privée.

Elle se rapproche pour examiner les lieux dans l'obscurité. En votant le pied de Nathan, elle s'écrie :

- C'est ma voiture ! Que fait ce type dans ma voiture ?

Je me lève en tenant mon jean. J'ouvre la portière complètement et je tire sur le pied de Nathan jusqu'à ce qu'il tombe dehors. Alors il commence à bouger. Ses yeux papillotent.

- Ne bouge pas d'où tu es, demoiselle, me menace la patronne du bar. J'appelle la police.

Nathan se redresse sur un coude. Il regarde autour de lui d'un air hébété. Pendant que la femme retourne à l'intérieur, je l'attrape par le bras et je tente de le hisser sur ses pieds.

- Qu'est-ce qui se passe ? Demande-t-il.

- On s'en va. Maintenant.

Je finis de l'aider à se relever et je l'entraîne derrière moi sans lâcher mon pantalon.

- Allez ! Grouille-toi !

Après quelques pas chancelants, il accélère un peu.

On se hâte de gagner le parking de devant et je pousse Nathan dans la BMW. Je claque la portière.

J'entends tout un raffut maintenant, de l'autre côté. Je m'installe sur le siège du conducteur et je mets le contact.

La silhouette du videur du bar se découpe dans l'embrasure de la porte. Je recule calmement.

Lorsqu'il me voit, il braille quelque chose et court vers la voiture. J'enclenche la première et j'appuie à fond sur l'accélérateur. La BM s'élance, esquive le videur et le mitraille de gravier.

Je roule à cent jusqu'à l'autoroute. À côté de moi, Nathan reprend ses esprits. Il me pose des questions. Je ne sais pas quoi lui répondre.

Je n'arrive même pas à le regarder en face.

Addiction [TERMINÉE]Where stories live. Discover now