Chapitre 2 ( Partie II)

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Média :

Broods - Bridges

& Je fais des tests lol, vous en pensez quoi? 

***

E L I J A H


Je me passe la main dans les cheveux et pense une seconde à ne pas répondre à son appel. Pire à me défiler en disant que je suis retenu par un client. Lâche ? Tout à fait ! Pourtant, je décroche avant qu'elle ne tombe sur le répondeur.

— Putain, mais où es-tu ?

Je me pince l'arête du nez et inspire profondément.

— Je suis encore au boulot. Je te rejoins directement là-bas, de cette façon tes parents ne t'attendront pas.

— Mais...

— Ce sera plus simple Noémie, je la coupe. Tu es plus près de la galerie que moi.

— Ça m'oblige à payer un taxi, s'étrangle-t-elle.

Je me retiens de justesse de lui faire remarquer que ça serait la première fois qu'elle se paie quelque chose. Putain ! Est-ce vraiment ce qu'est devenue ma vie ? Ce à quoi j'aspire ? Passer des heures au travail et me faire invectiver par la personne avec qui je vis parce que je suis en retard alors que ça ne la dérange pas de se payer des vêtements et bijoux hors de prix avec ma carte bleue ? J'adore mon boulot et y passer autant de temps ne me dérange pas, mais peut-être que c'est d'un autre pan de ma vie dont je devrais me préoccuper.

— Elijah ! Tu m'écoutes ?

Non.

— Oui, je soupire. Je suis désolé Noémie, mais il y a deux solutions : tu prends un taxi ou tu prends le risque qu'on soit tous les deux en retard d'une heure et demie.

— Je vais prendre un taxi, râle-t-elle, mais dépêche-toi.

Je serre les dents et m'apprête à répondre lorsque je me rends compte qu'elle a raccroché. Je m'affale sur mon fauteuil, exténué. J'ouvre le premier tiroir de mon bureau et en sors un cadre photo. Je la regarde souvent quand je commence à douter de ma vie, et je me rappelle qu'eux ne peuvent plus profiter de la leur. Mes doigts passent sur les visages souriants de mes amis. C'était pendant nos dernières vacances avant qu'on commence à bûcher comme des fous pour la dernière ligne droite. On avait décidé de se payer un chalet dans les Vosges. La compétition avait déjà commencé entre Anthony et Thomas et logiquement ils se sont amusés à se lancer des défis alcoolisés, à draguer plus de femmes que l'autre. J'observais leur match le sourire aux lèvres – c'est vraiment comme ça que je voyais la chose, c'était à celui qui marquerait le plus de points jusqu'au sifflet final – et j'étais impatient de les voir s'agiter autant dans la vie active. Vincent a passé presque toute la semaine avec la même fille, rencontrée dans un bar. Il a toujours été plus sage que nous tous réuni. Hailey et moi-même, nous en avons profité pour apprendre à skier. Aujourd'hui encore, entre le taux d'alcool de certains et la maladresse des autres, je me demande comment nous sommes rentrés sains et saufs chez nous. On a fait les pitres, on a bu, dansé, on a vécu comme on ne l'avait jamais fait auparavant. Ce fut les meilleures vacances de ma vie. Les dernières.

J'inspire un grand coup pour refouler la vague d'émotion qui cherche à me noyer. Puis mes yeux restent figés sur Hailey, la photo a réussi à capturer ses yeux pétillants et ce sourire pour qui chacun de nous se battait pour lui arracher. Elle ne s'en rendait pas compte, mais elle était le ciment de notre groupe, le cœur. Je n'ai plus jamais revu ce sourire sur son visage depuis l'accident. J'en viens à me demander à quand remonte la dernière fois que je lui ai parlé. Quels sont les derniers mots que je lui ai dit ? Sûrement des futilités. La culpabilité et ma lâcheté m'étreignent comme un linceul. Je pensais que le fait de nous éloigner l'un de l'autre nous aiderait à surmonter cette épreuve et à aller de l'avant. Au début, ce n'était pas intentionnel, j'étais accaparé par le boulot et mon installation définitive sur Paris. Je mettais plus de temps à répondre et peut-être qu'inconsciemment je me suis dit que ça serait plus simple. Comme si ça pouvait balayer les derniers évènements. Ma gorge se noue et je ferme les yeux. Mais leurs visages restent gravés sur mes rétines. Les larmes s'amoncellent derrière mes paupières closes. Il y a trois ans, j'ai tourné la page sur tout ça, j'ai coupé les ponts avec tout le monde à part mes parents. Mais j'ai l'impression de ne pas courir assez vite pour éviter que la tristesse me rattrape. Putain ! Je balance le cadre dans le tiroir et le referme violemment. Ce n'est pas ce dont j'ai envie ce soir. Depuis trois ans, je suis maître de mes émotions et j'ai besoin de le rester pour les prochaines heures.

Broken But Alive [EDITEE]Where stories live. Discover now