11. L'OEIL DU CYCLONE (PARTIE I)

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Dix-sept ans. Dix-sept ans de souvenirs à affronter en moins de deux minutes. La mémoire n'avait guère pris plus de temps pour se frayer un chemin le long de mes synapses, mais j'avais pourtant eu la sensation d'avoir tout revécu une seconde fois. Mon enfance, seule et unique période où j'avais réellement connu un bonheur sans tache et de longue durée, puis la mort de mon père, nos fuites désespérées, le meurtre de ma mère, nos fuites entre orphelines, encore et toujours, et enfin, le jour décisif de mon seizième anniversaire. Où j'avais fait la rencontre de Skyler, et où ma vie avait entièrement basculé. Cette dernière partie avait été la plus éprouvante à revivre, mais celle qui m'avait apporté le plus de soulagement aussi. J'étais incroyablement rassurée d'avoir récupéré ce pan de ma vie qui m'avait été si injustement volé et que j'avais craint de ne jamais retrouver. Aujourd'hui plus que jamais, mes souvenirs étaient nécessaires à ma survie. Je n'arrivais d'ailleurs toujours pas à comprendre comment j'avais pu me les laisser arracher aussi facilement.

Après ma réaction initiale, j'avais été parfaitement incapable de montrer ou d'éprouver quoique ce soit. Je m'étais déconnectée un moment, le temps de faire le point et de pouvoir prendre du recul sur tout ce que j'avais à affronter. Je n'étais pas encore prête à discuter avec Skyler de ce que j'avais découvert sur mes agresseurs, non-plus que du reste d'ailleurs. Il sembla immédiatement comprendre ce qu'il m'arrivait lorsque je me fermai soudain comme une huître, et ne chercha en aucun cas à me faire sortir de ma brusque léthargie. Peut-être avait-il apparenté mon état à une forme de somnambulisme, respectant soigneusement le principe selon laquelle il ne fallait jamais réveiller brusquement un patient endormi. Même si ce n'était qu'une image, je lui étais infiniment reconnaissante du répit qu'il m'accordait. Ce ne devait vraiment pas être facile à gérer de son côté. À sa place, je n'aurais certainement pas été capable de faire preuve d'autant de patience.

Je ne sortis qu'à la nuit tombée du silence dans lequel je m'étais retranchée. L'horloge du tableau de bord indiquait 23 heures passées, ce qui signifiait que Skyler venait de rouler pendant près de dix-sept heures sans pratiquement s'arrêter. Nous venions de franchir les limites d'une ville qui devait se situer dans le Mississipi, Jackson si mon souvenir était bon. Je n'aurais su dire pourquoi, mais j'avais la drôle de sensation que nous n'aurions pas dû nous trouver ici, comme si le danger nous y guettait. Je me creusai la tête pour comprendre d'où pouvait bien me venir ce sentiment et finis par me souvenir d'un détail essentiel.

- On ne doit pas s'attarder ici, m'animai-je pour la première fois depuis des heures.

- Hein ? sursauta-t-il, pris au dépourvu.

- Skyler, écoute-moi bien, insistai-je, il faut qu'on se dépêche de partir. Mets le plus de distance entre cette ville et nous.

- Pourquoi ?

Il continua de zigzaguer entre les immeubles illuminés, déterminé malgré sa consternation.

- Tu m'as entendu ? m'énervai-je.

- Tu vas d'abord me dire ce qu'il se passe, et on y réfléchira ensemble, proposa-t-il sur un ton suffisamment décidé pour laisser entendre qu'il s'agissait de tout sauf d'une proposition.

- Je n'ai pas été la seule à être envoyée en mission, quand je suis partie de l'Iron, expliquai-je, agacée par les minutes que nous perdions à discuter. Il y a eu d'autres groupes qui sont partis pour prêter main-forte à certaines unités, parce qu'elles n'arrivaient pas à se débarrasser des Cérébrals qui étaient venus les débusquer.

- Dis plutôt qu'ils n'arrivaient pas à faire éclater une poche de résistance, oui, rétorqua-t-il en secouant la tête.

- Comment tu peux en être aussi sûr ? Nous avons un réseau très étendu, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher que l'un de nos points de rassemblement se trouve ici, à Jackson. Et qu'il ait bel et bien été attaqué par des Cérébrals.

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéWhere stories live. Discover now