Chapitre 4

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C'était vraiment étrange... mais parfois, j'avais l'impression de changer de corps, et d'être soudain dans la tête Christie, de voir de ses yeux, d'entendre ses pensées, de percevoir ses ressentis, ou encore de vivre ses malheurs.

Puis, aussi brutalement que ça me venait, ça repartait, et je retournais dans mon corps, dans ma tête, dans mon esprit. L'esprit d'une amie qui voulait et devait tout faire pour aider la sienne.

Alors, je courus rejoindre Christie. Elle était là, comme je le pensais, assise par terre, contre le mur, ses jambes repliées sur elle-même. Je me mis à sa hauteur pour lui parler.

« Christie... » commençai-je tandis qu'elle m'observait de ses grands yeux marrons.

Je n'eus même pas le temps de finir ma phrase qu'elle fondit en larmes dans mes bras, le visage logé dans mon épaule.

« Ça va aller. T'inquiète pas, je suis là. Je suis là, murmurai-je doucement en caressant son dos secoué de soubresauts à cause de sa respiration saccadée et de ses sanglots. Respire, Christie. Respire. »

Elle avait l'air d'être prise de spasmes. C'était effrayant, horrible, atroce de la voir comme ça, elle qui était si importante pour moi. C'était une véritable torture que de devoir regarder avec impuissance une part de mon âme souffrir, car c'était ce qu'elle était, au même titre que MC et Gav : une part de moi, une part de cette essence du cœur.

Ça arrivait souvent que je sois très maternelle avec Christie, mais c'était parce qu'elle en avait besoin. Elle avait besoin de quelqu'un qui la console et la prenne dans ses bras comme une mère l'aurait fait. Christie était plus mature que ceux de notre âge, mais elle était également plus sensible et innocente. En fait, c'était simple : Christie avait une âme d'enfant.

Je lui caressais doucement les cheveux en lui ressortant certaines phrases-types comme : « Tout va s'arranger. », « T'es pas seule. », « Je vais t'aider », « Ça ira, tu verras »... Et je les pensais. Je pensais sérieusement ce que je lui disais. J'étais sûre que tout ça allait s'arranger, j'étais sûre que je pouvais l'aider... Mais je me mentais. Y aurait toujours des pimbêches et des abrutis qui lui feraient vivre un Enfer. Y aurait toujours des larmes et des crises d'angoisse. Y aurait toujours une Christie pas sûre d'elle qui refuserait toute aide et nous dirait que nous méritons mieux qu'elle, car oui, tout ça, je le savais.

« Je suis là », répétai-je une énième fois.

Christie releva alors sa tête de mon épaule et se recula légèrement de moi.

« Je ne te mérite tellement pas... » dit-elle en baissant son visage, honteuse.

Je le tournai doucement vers moi pour la forcer à me regarder. Et ce que je vis dans ses yeux marrons était toujours la même émotion : le mal-être et le désespoir par définition. Et je sus à ce moment précis, je m'en rendis compte : rien de ce que je faisais suffisait. Il ne fallait pas juste la consoler. Il fallait la secouer. Il fallait utiliser la méthode MC, quitte à l'engueuler un peu.

« Je t'interdis de dire ça ! Écoute-moi bien. Je reste avec toi, parce que je le veux. Je te console, parce que je le dois. Tu es mon amie, et je suis ton amie. Et tu me mérites, tout comme je te mérite. Tout le monde mérite un ami, mérite qu'on s'intéresse à lui, mérite qu'on l'aime. Je sais que tu comprends pas pourquoi on t'aime, mais moi je sais pourquoi et je sais que je t'aime. Tu peux ne pas comprendre, mais accepte notre amitié, accepte notre aide, accepte que quelqu'un veuille et choisisse de rester avec toi, même si t'en comprends pas les raisons. L'amitié que nous te portons, c'est pas parce que nous nous trompons, c'est pas parce que nous ignorons, c'est parce qu'au contraire nous te connaissons, et que nous aimons la personne que tu es. T'es une belle personne, une magnifique même, et ceux qui le voient pas c'est parce qu'ils sont aveuglés par ta différence, par ton originalité, par ta simplicité... Ceux qui le voient pas, c'est parce que tout ce qu'ils arrivent à voir c'est que t'es pas comme eux, et ça les trouble, ça les terrorise. Christie, crois pas en l'image que ces aveugles ont de toi. »

Le RêveWhere stories live. Discover now