Le Jeu Des Douze Coups [PAUSE]

8.

~ POINT DE VUE OMNISCIENT ~

- Pourquoi tu me fais ça putain ? Dit-il doucement à l'intention de la jeune fille allongée depuis huit jours sur ce lit.

Il la regarde une nouvelle fois, de ses yeux bleus transperçant qui dégage un seul et unique sentiment : La peur de la perdre. Il ne comprend toujours pas comment il a pu s'attacher autant à elle en si peu de temps. Il la surveille depuis longtemps, il a tant attendu ce moment où il lui annoncerait ce stupide jeu qu'il a créé. Pourquoi l'a-t-il inventé d'ailleurs ? Seul lui le sait, seul lui a la clé de ce mystère. Pourtant, Break est loin de deviner sa raison et tous ses secrets.

- Pourquoi ? Hurle-t-il encore avant de fracasser violemment le mur.

Il regarde sa main et ce sang qui commence à dégouliner de ses phalanges. Il ne ressent rien. Aucune douleur, aucune angoisse, aucune souffrance, rien. Pourquoi ? Seul lui le sait.

Il détourne les yeux vers sa coéquipière, il croit pendant un instant qu'elle bouge ne serait-ce que sa main. Il accourt vers elle, le cœur battant, lui tenant la main avec cette lueur d'espoir qui se dégage de son regard. Pourtant, ce n'est pas réel, elle n'a pas fait le moindre mouvement et a toujours ses yeux fermés. Il soupire et dépose un léger baiser sur son front qui n'a pas blanchit depuis leur altercation dans la chambre froide.

Il sort de la chambre trente-deux avant d'apercevoir quatre policiers et un journaliste se dirigeant vers la secrétaire de l'étage.

- Merde merde ! Murmure-t-il tout bas avant de se dépêcher d'entrer dans la petite cellule servant de dortoir à Break.

Que fait-il maintenant ? Il réfléchit, il n'a plus de temps. Il ne prend pas la peine d'y accorder plus de secondes et s'élance vers la jeune fille. Il détache tous les appareils branchés à elle et la porte telle une princesse et d'une douceur que personne ne peut imaginer. Il se déplace lentement, sans faire le moindre de bruit pour éviter d'attirer l'attention sur lui quand les hommes parlent à la femme et demande leurs renseignements. Il sait pertinemment que ces informations le concerne autant que lui, qu'elle. Et il ne veut pas que tout se finisse à cause de simples policiers qui se sont mêlés de ses affaires.  Et pourtant, c'est lui qui en a décidé ainsi. C'est lui qui les a mêlés à tout cela. C'est lui seul qui fait fonctionner son amusement.

Il prend directement l'ascenseur et il se retrouve parmi les différents malades qui circulent avec leurs infirmières. Il ne pense pas aux regards des autres sur lui, eux qui voient un homme porter une femme, totalement inconsciente. Il presse le pas, il ne fait plus attention à personne et fonce tête baissée jusqu'au moment où une main se pose sur son épaule.

- Que faites-vous ? Demande un médecin face à Dagner.

Il murmure quelque chose dans sa barbe que lui seul peut entendre. Il ne se retourne pas pour autant, il ne bouge pas d'un poil. Il pense.

- Je crois qu'il va falloir que vous courrez... Articule Dagner, sûr de lui.

- Comment...

Le médecin n'a pas eu le temps de finir que le jeune homme se met à courir avec Break dans ses bras, que lui passe-t-il par la tête ? Devient-il fou ? A cause de celle qu'il porte, celle qui hante ses pensées chaque nuit, durant ses huit jours interminables.

Il ne prend même pas le temps de se retourner pour voir si on le suit, il se dépêche de la mettre sur la banquette arrière. Il n'a pas le temps de claquer la portière qu'un homme le tire en arrière. Il se relève rapidement pour faire face à un poing frappé violemment sur son visage. Son corps devient maintenant enragé, il ne peut pas se contenir et il s'en fout royalement des conséquences. Il ne se fait pas prier et renvoie un coup à son adversaire qui, lui même, se retrouve plaqué contre le sol. Dagner s'apprête à lui mettre un impact violent mais s'arrête lorsque l'homme prit la parole.

- Elle ne mérite pas ça, parle-t-il entre deux respirations.

Il se stoppe net et recule. Comment connait-il Break ? Le fait que cet homme ait pu être son copain et avoir tout ce dont il rêve le remet dans une colère atroce. Pourquoi sent-il une pointe de jalousie alors que Break n'est rien pour lui ?

Tu mens, hurle sa conscience.

- Ferme ta gueule ! Crie-t-il à sa voix dans sa tête.

Le jeune homme plaqué contre la voiture se sert de ce léger égarement pour lui mettre son poing dans son ventre et de le mettre à terre grâce à son coude au niveau de son dos. Une fois fait, il se dépêche de fermer la portière et de partir chercher un bidon d'essence qu'il a précieusement pris le temps de remplir et de cacher ici. Il renverse ce bidon sur la voiture en prenant le soin d'en mettre sur le moteur lorsqu'il a ouvert le capot.

- Mon dieu... Balbutie Dagner tout doucement sans mettre l'attention sur lui.

Il regarde l'homme faire sans savoir quoi faire. Il est fou, complètement. 

C'est lorsqu'il voit un briquet sortir de la poche de son jean qu'il décide enfin d'agir. Il ne veut pas laisser Break mourir, il ne le supporterait jamais. Au fond de lui il le sait, il sait qu'il donnerait tout pour elle. Il se jette sur l'homme qui fait tomber le briquet à terre, coller au bidon. Il le roue de coup, il éprouve une haine immense qu'il ne donne aucune importance au bidon qui prend feu.

- Qu'est-ce qu'elle t'a fait ? Qui est-tu ? Hurle Dagner en le frappant, encore et encore sans pouvoir s'arrêter.

C'est en sentant l'odeur de la fumée qu'il se rend compte de son erreur. Il se détourne du corps à moitié en sang et ouvre la portière violemment qu'elle claque et se rabat immédiatement sur lui. Il tombe au sol, se tenant le côté droit après un choc violent.

- Satanée porte de mes deux couilles ! Aboie Dagner avant de se relever.

Il rouvre la portière en faisant attention qu'elle ne se referme pas sur lui et prend la jeune fille dans ses bras. Il part rejoindre une autre voiture qu'il ouvre d'un claquement de pied dans la porte. Il sait comment cambrioler une voiture, il a toujours su comment s'en sortir. Il entend un bruit puis, comme une sorte d'explosion. Il se retourne directement vers le son et remarque la voiture prendre feu. Le corps du jeune homme...

- Putain de merde !

Il accourt vers la voiture à moitié ruée de flemmes et tire l'homme plus loin. Il a sauvé sa vie alors qu'il a voulu tué sa coéquipière. Peut-être lui aussi été fou, qu'il faut qu'il se soigne et qu'une seconde chance peut lui être accordé. Cependant, il connait cet homme et n'a pas fait le rapprochement. 

Il ne perd pas plus de temps et rejoint la voiture où repose Break. Il la regarde dormir, sur la banquette arrière. Non, il la contemple comme s'il n'a jamais vu une si jolie demoiselle. Ses yeux ressemble à des étoiles tant il est émerveillé par sa beauté, comment peut-elle être aussi ravageuse ? Cependant, elle est banale, une femme parmi tant d'autres. Non, il ne pense pas cela et il n'ose pas se l'avouer. C'est sur cette dernière pensée qu'il prend la route vers l'inconnu.

Et pourtant, il n'aurait jamais dû laisser vivre un homme capable de détruire son propre jeu.