Chapitre 18

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"Tu vois ce que je veux dire ?"
Oh que oui, Andrew voyait ! Il imaginait déjà la couverture ! Un fond noir mat sur lequel s'aligneraient des dizaines de noms inscrits en lettres dorées. De différentes tailles, comme l'avait souligné John. L'idée de voir son propre patronyme affiché en plus gros ne le dérangeait pas spécialement. Peut-être même que les noms pourraient être écrits dans l'ordre de ses rencontres ?

Et puis, il réalisa quelque chose. Trouver un titre - son nom - c'était fait. Mettre quelqu'un sur le coup de la création de la couverture, c'était en cours. Mais il lui fallait trouver une imprimerie. Il n'avait pas réellement envie de passer par une maison d'édition, étant donné que c'était une des choses - en plus du départ de Levy - qui l'avait bloqué. Toujours changer des choses, modifier des détails pour obtenir une œuvre à la quasi-perfection qui plairait à un éditeur n'était pas dans l'esprit du projet commun. Il fallait que, comme tout être humain, il soit imparfait. Et si tout le monde donnait un peu, ils pourraient se permettre d'imprimer plusieurs exemplaires - bien sûr, un pour chacun, pour commencer - et en distribuer dans les librairies. Certains livres auto-édités avaient parfois très bien marché.

"Andrew ? Tu rêves ?
_ Oh ! Pardon John. Tu disais ? se reprit l'écrivain qui, totalement plongé dans ses pensées, avait complètement oublié son voisin.
_ J'ai un neveu qui a quinze ans. Il est passionné par tout ce qui est dessin, graphisme. Si tu veux, je pourrai lui demander de te designer la couverture ? Il lui faudra simplement un croquis de ce que tu veux, et le résumé. On est très proches tous les deux, je suis presque sûr qu'il sera d'accord. Qu'est-ce que tu en dis ?
_ Oui ! Excellent ça ! s'enthousiasma le Britannique.
_ Ok, parfait. Je lui enverrai un message dès ce soir, et je te tiendrai au courant. Tu pourras me faire une liste de tous ceux qui doivent apparaître sur la couverture ?
_ Oui, pas de problème. Et je te fais parvenir le résumé dès qu'on sera au point dessus. Il faudra que j'aborde ce point avec tout le monde. Et au fait...
_ Oui ?
_ Dans ton journal, chroniquez-vous des livres ?
_ Hum... Pas spécialement. Mais Léna adore lire. J'imagine qu'elle pourra te donner son avis dessus quand il sera fini ? Et si j'en parle au redac' chef et que j'explique d'où vient l'idée et son but, on devrait pouvoir te faire un peu de pub sans trop de problèmes. Les gens aiment la nouveauté.
_ Merci beaucoup, sourit son interlocuteur, ses yeux pétillants derrière ses lunettes. Tu nous aides énormément, tu n'imagines même pas !
_ C'est normal ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi, je suis dispo !
_ À vrai dire, j'ai un tout dernier service à te demander...
_ Je t'écoute.
_ J'aimerai faire passer une petite annonce. Je recherche un imprimeur. Si je te donne une adresse mail, serait-il possible qu'on nous consacre trois lignes ? Ce n'est pas encore urgent, loin de là, mais ce serait rassurant de savoir que quelqu'un serait prêt à éditer le projet commun quand il sera terminé. Et peut-être que ça motiverait tout le monde - bien qu'ils soient déjà tous boostés à bloc.
_ Je pense que je peux m'arranger pour que ce soit possible, en effet. Ça ne devrait pas être trop dur. Je peux aussi te suggérer de laisser une affichette ici, "Chez Jean". Comme  beaucoup de monde y passe, tu peux presque être sûr que quelqu'un te contactera, soit pour te proposer ses services (tu es presque célèbre ici !) soit pour te parler d'une connaissance.
_ John, tu es un génie. C'est moi qui passe le plus clair de mon temps ici, et c'est toi qui me fais remarquer les choses les plus évidentes !
_ On ne voit pas toujours ce qui est sous notre nez, lui fit remarqué le journaliste, très philosophe. C'est pareil pour tout le monde, ne t'inquiète pas. Aller, je vais t'aider à faire ton affichette."

Les deux hommes, après avoir commandé une boisson, commencèrent par créer une petite affiche, sur laquelle ils inscrivirent le nom d'Andrew, l'idée, et où ils y écrivirent les coordonnées du Britannique. Une fois cela fait, ils eurent l'idée d'en fabriquer d'autre, pour les afficher un peu partout dans Saint-Laurent, comme à la boulangerie ou encore - qui savait ? - à la bibliothèque.
À l'étonnement d'Andrew, ils ne mirent pas trop de temps, ce qui leur permit d'aller demander aux commerçants s'ils pouvaient se faire un peu de pub.
Armés d'un rouleau de scotch fourni par Emilia - il y avait décidément beaucoup de choses dans ce café - ils partir à l'assaut des vitrines. Ils furent relativement bien reçus par les vendeurs, hormis par quelques râleurs qui s'étaient sans doutes levés du pied du gauche.


"Bon boulot, sourit John quand ils eurent fini, et que leurs dix annonces trônaient fièrement dans des boutiques - Et "Chez Jean" ! - différentes. Ton livre, et tout ce qui tourne autour, avance vite.
_ Grâce à des gens comme toi, comme Emilia, Sophia et tant d'autres, lui fit remarquer Andrew.
_ Ça doit être fatiguant de tout gérer tout le temps...
_ C'est vrai que c'est du boulot, mais c'est surtout du plaisir... Bon, il y a parfois un peu de stress, mais comme pour tous les travaux. J'imagine que toi aussi, tu dois parfois passer une nuit à rédiger tes articles...
_ C'est rare, mais ça m'arrive, admit John. Enfin, je l'évite au maximum, je préfère passer mes soirées tranquilles. Comme tout le monde j'imagine.
_ Un apéro, ça te dirait ? proposa l'anglais. On a bien bossé, et j'ai des paquets de chips qui ne demandent qu'à être grignoté. Sans parler de la cave qui contient plus de bouteilles qu'on ne pourrait en boire en une vie.
_ Volontiers. Ça fait longtemps que je ne suis pas resté discuter avec un ami !"
Un ami. Le terme fit chaud au cœur d'Andrew. Il avait l'impression de ne pas avoir eu - et pas été - d'amis depuis une éternité. On ne l'avait pas désigné comme tel depuis qu'il avait quitté Londres, autant dire plusieurs mois, et trouver enfin quelqu'un pour le considérer comme un ami lui faisait du bien, se sentir moins seul, plus humain.

Alors, comme prévu, les deux amis partagèrent un apéro.

Le soir, Andrew rentra chez lui le cœur léger. Le petit village qu'était St Laurent lui rendait presque tout ce que lui avait volé la grande et magnifique Londres. Il était plus heureux ici, que dans la capitale anglaise, et si un an plus tôt quelqu'un lui aurait dit une chose pareil, il lui aurait sûrement rit au nez. Comme quoi... Ils évoluaient tous.
Ce même soir, tard, Andrew écrivit à Andrea, sa tante pour lui raconter son expérience ici. Il joignit également à son mail tous le travail qu'il avait effectué. Il le savait, la femme serait fière de lui.

Taquapax
Mamie_grumpy

Chez JeanWhere stories live. Discover now