Le bruit des roues qui frottent sur le béton de la route me permet de me concentrer sur autre chose et je suis presque apaisé quand je me gare dans le parking de l'aéroport, qui est à environ à une dizaine de minutes de ma maison. J'entends mon portable sonner dans mon sac à main que j'ouvre comme un vieux réflexe et extirpe l'objet qui sonne, sachant pertinemment qui est à l'autre bout de l'appareil. Voyant que mon pressentiment était bon et que la seule personne qui m'appelle est ma génitrice, j'éteins mon téléphone et le remet à sa place.

Pendant de longues minutes, j'observe les passants qui sortent et rentrent de l'aéroport. Je remarque que ce sont souvent des couples ou des parents avec leurs enfants. C'est normal, nous sommes en période de grandes vacances, ils profitent du soleil de l'été. J'aurais bien aimé moi aussi avoir un père quand j'étais plus jeune qui m'aurait soutenu dans les moments durs, qui m'aurait charrié et aimé. Peut-être qu'avec un homme dans la vie de ma mère, elle aurait été un peu plus douce et compréhensive. C'est si beau de voir une famille unie, sentir l'amour dans l'air quand on les croise et voir un sourire de bonheur dessiner sur chacune de ses bouches quand ils sont tous rassemblés, ce sentiment doit en rendre jaloux plus d'un.

J'observe encore quelques instants les personnes qui se promènent près du grand bâtiment qui me surplombe. Voir l'activité humaine me fascine énormément. Nous pouvons apprendre tellement de choses sur des personnes juste en regardant leur façon de vivre. Le quotidien d'une personne est l'essence même de sa personnalité. J'aimerais passer toute ma journée à observer chaque personne que je croise sans aucune gêne, mais mon avion ne va pas m'attendre et va partir sans moi. Je ne peux pas laisser filer entre mes doigts cette chance. Je sors de ma voiture, j'ouvre le coffre et tire ma valise. Quand j'entre dans l'aéroport, je remarque que comme j'avais prévu, le terminal grouille de monde, même à cette heure très matinale. Je me faufile entre toutes les personnes et je m'assieds à une table dans un petit bar. Je commande un café très serré pour remonter mon énergie à bloc, le serveur me fait un sourire aguicheur, je le lui rends, forcée par politesse.

J'attends avec impatience ma boisson en triturant l'étiquette noire de ma valise où mon prénom est brodé en or. Madison est délicatement ancrée dans le tissu laissant un contraste entre la couleur sombre du bout de tissu et la couleur vive de mon nom. Je me rappelle le jour où ma grand-mère m'a brodé plusieurs petites étiquettes comme celle-ci, elle m'avait fait promettre d'utiliser ces étiquettes que sur des objets précieux à mes yeux. J'en ai utilisé qu'une pour l'instant, sur cette valise, signe de mon départ et de ma liberté.

Le serveur revient, toujours avec un sourire charmeur collé aux lèvres. Je lui rends un sourire crispé toujours à cause de mes bonnes manières. Il me donne l'addition et je le remercie. Le romantisme n'est pas quelque chose qui me colle à la peau, comme la drague ou le flirt, c'est toujours un principe qui me met mal à l'aise. Je bois ma boisson rapidement puis je dépose l'argent dans la petite coupelle prévue à cet effet avec un petit pourboire. Je me lève, attrape la lance de ma valise puis je sors du petit café. Dix minutes plus tard, je me trouve trop rapidement à mon goût devant l'entrée du couloir qui mène à mon avion pour quitter Pasadena afin d'embarquer à New York pour y vivre plusieurs mois. Tous mes gestes sont faits machinalement puisque mon cerveau est trop préoccupé par la suite des événements.

Mon estomac commence à se serrer, ma gorge se noue de peur. Je pense que je ne m'en rends toujours pas compte du fait que je suis presque en train de fuguer pour aller quelques mois dans une énorme ville où je n'y ai jamais posé les pieds. Peut-être que si j'aime beaucoup cette ville, j'y resterais et je ne reviendrais jamais à Pasadena. Emménager à New York, le rêve de tout le monde, mon rêve.

Heureusement, j'ai pensé à tout avant de partir : louer un appartement dans le centre, près de Central Park pour pouvoir aller me promener quand bon me semble, j'ai aussi cherché un boulot mais rien de très intéressant a aiguisé mon attention pour l'instant, le transport de ma voiture pour pouvoir me déplacer tranquillement dans la grande pomme, tout l'argent que j'ai mis de côté depuis des années m'accompagnes aussi dans mon voyage. J'ai pensé à tout pour ne pas rajouter encore plus de stress, j'ai même regardé plusieurs vidéos de personnes qui témoignent pour essayer de rengorger le plus d'informations possible dans ma mémoire. Je ne risque rien, tout va bien se passer.

Change My Life | Terminé ✓Where stories live. Discover now