7. Locked Away

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24 février 2020

Denitsa :

J'ai regretté ce que j'ai accepté à la seconde même où j'ai laissé Théo sur le pas de la porte ce lundi matin en sachant que je le reverrais pas avant mercredi soir. Deux jours, ça peut paraître rien mais quand l'être concerné signifie tout, c'est vraiment dur à gérer. En fait, depuis le soir où Rayane est venu, les choses se sont rapidement enchaînées. Il est revenu le soir d'après et on a commencé à en parler avec Théo. Forcément, il a eu un million de questions à la seconde d'après qu'on a été obligé de lui dire la vérité. J'ai souvent imaginé cette scène depuis que je suis tombée enceinte mais c'est pas vraiment comme ça que j'avais pensé que ça se passerait.

Flashback du 15 février

Rayane est là depuis une bonne heure, on a expliqué à Théo qu'il irait vivre chez Rayane la moitié de la semaine mais qu'il serait avec moi le mercredi et le week-end. Il a l'air content, ça me rassure, j'avais pas envie d'avoir la crise de larmes. Ça me fait un pincement au cœur rien que d'imaginer mon fils en train de pleurer seul dans une chambre qui n'est pas la sienne. J'ai confiance en Rayane pour s'occuper de lui mais quand même, j'appréhende le fait qu'une autre femme vienne le consoler quand il va mal. C'est mon fils, mon bébé, je ne peux pas imaginer ce genre de scène sans être un peu jalouse, possessive. Elle a Rayane, ça me suffit, elle n'aura pas Théo. Enfin bref, on est là, tous les trois et Théo pose tellement de questions que je prends les devants. C'est maintenant ou jamais. Rayane ne sait pas ce que je prépare mais tant pis. Je viens de revenir dans le salon avec un biberon pour Théo et je sais que c'est le bon moment. Il commence à boire quand je le met sur mes genoux et il continue à fixer son père en souriant. Je prends la parole tout doucement, j'appréhende un peu.

« Tu sais Théo, un jour tu m'as demandé où était ton papa et je t'ai répondu qu'il était parti y'a longtemps mais que peut-être un jour il reviendrait.. ? »

Je sais qu'il m'écoute, il me regarde pas mais il m'écoute, je le sais, ni l'un ni l'autre ne me regarde d'ailleurs mais les deux m'écoutent avec plus d'attention qu'ils m'en ont jamais porté.

« Bah je crois qu'il est revenu Théo.. Tu vois, en fait.. en fait Théo, ton papa c'est Rayane. C'est pour ça que vous aimez les mêmes jeux, c'est pour ça que vous rigolez tout le temps tous les deux, c'est pour ça qu'il est content que tu viennes vivre avec lui. Il t'emmène chez lui parce que c'est ton papa.. »

Théo se tourne complètement vers moi, un peu surpris et Rayane lui, il a un regard qui en dit long. J'ai l'impression qu'il me remercie de tout ce que j'ai pu faire pour Théo depuis trois ans, qu'il me remercie d'être sa mère. J'ai juste l'impression qu'il est fière de moi et ça me fait un bien fou.

« Du coup j'ai un papa et une maman comme tout le monde ?

Rayane - Oui mon Théo, comme tout le monde. Et tu vas venir habiter chez moi un petit peu. Tu sais je t'ai parlé de Sofia ? C'est ta petite sœur, tu vas voir, c'est un bébé encore, elle est toute petit

Théo - Ça veut dire qu'on peut pas jouer avec elle, comme les petits à la crèche ?

Denitsa - Si tu pourras, mais il faudra que tu fasses très attention. Ta petite sœur, faut que tu la protèges pour toujours tu sais.

Rayane - Tu sais Pavel, ton tonton, il s'occupe bien de maman, il fait attention à elle, parce que c'est sa petite sœur, donc c'est pareil pour toi.

Théo – C'est trop bien d'avoir une petite sœur alors si c'est comme maman et tonton ! »

Cette remarque me fit rire parce que je l'imaginais parfaitement en train de chouchouter un bébé. J'aurais juste préféré que ce soit sa petite sœur biologique, je veux dire, que je sois la mère quoi, mais bon, on fait avec. On a passé la fin de la soirée tranquillement, expliquant à Théo exactement tout ce qu'il allait se passer en lui faisant promettre de ne pas dire qu'il venait me voir entre les deux. Je m'en veux, je sais qu'il n'y a rien de sain dans tout ça mais tant pis, c'est mieux que rien. Je préfère le voir aussi peu que de le perdre totalement, c'est comme ça.

Fin du Flashback
Retour au 24 février 2020

On est lundi soir, premier soir sans mon petit monstre à la maison et le moins qu'on puisse dire c'est que mon appartement est... silencieux. Et rangé. Vide en soit. Je déteste déjà et pourtant, je sais que j'ai encore un soir à supporter seule. Alors j'attends, je m'occupe, je trouve des trucs à faire mais rien qui ne vaille vraiment la peine. Je déteste ça. Les deux jours passent à une lenteur extrême et quand vient le mercredi soir, enfin, je regrette encore plus ma décision. Je la regrette encore plus que quand j'ai signé cette fausse décision de justice qui me retirait la garde de mon fils pour rendre crédible la situation auprès de Marie, encore plus que quand je l'ai déposé à la crèche sans vraiment savoir si Rayane tiendrait sa promesse de me le re-déposer mercredi. Je vous jure, c'est encore pire que ce que j'avais pu imaginer. Théo m'a raconté en détails ces deux jours. Je savais même pas qu'un enfant de cet âge pouvait enmagaziner autant de détails en deux jours. Il m'a raconté avec précision sa rencontre avec Sofia. Bon, j'avoue, j'ai lâché ma petite larme en l'entendant m'expliquer en long en large et en travers à quel point sa petite sœur est trop jolie. Mais c'est vite devenu un vrai calvaire pour moi. Tous les jours, à chaque fois que je le récupère, j'entends parler du fait que sa vie est parfaite depuis qu'il dort chez son papa, depuis qu'il s'occupe de sa petite sœur. Tout est parfait et moi, je ne suis même pas là pour le voir quand il sourit. Je suis heureuse pour lui, vraiment mais je supporte de moins en moins bien de le voir heureux hors de ma vie. Je voudrais être là, je voudrais pouvoir être sa maman à plein temps. C'est frustrant et je commence à le supporter de moins en moins. Et puis les vacances sont arrivés et Rayane m'a demandé si il pouvait l'emmener avec eux faire du ski. Bêtement, j'ai accepté. Ouai, mon fils verra la neige pour la première fois sans moi je pense. J'ai du me contenter de quelques malheureuses photos de lui dans une combinaison, le nez rougi par le froid et le visage barré d'un sourire qui fera, je le sais, tombé les filles plus tard. Je vois mon fils vivre une vie sans moi, c'est pesant et le mot reste faible. J'en veux à Rayane parce que je vois bien qu'il ne comprend pas ma détresse. Ouai, on se voit de temps en temps quand même, quand il me dépose Théo le vendredi ou le mercredi soir. Ça me fait du bien de lui parler, de partager à nouveau quelque chose avec lui, même si notre discussion se résume à Théo. Avant, il aurait vu directement que ça n'allait pas, que je ne supporte pas, que je vais mal. Je lui ai envoyé des signes, je lui ai montré que ça ne me convenait plus mais j'ai fait que me prendre des murs. Je vis par intermittence et je meurs à petit feu le reste du temps. Rien ne colle mais j'accepte, pour leur bonheur respectif, au détriment du mien. Je crois que le mot 'dépérir' a été inventé pour ma situation.

18 mars 2020

J'encaisse, je me tais, jusqu'à ce que je reçoive le SMS de trop. On est mercredi soir, il est 20h et Rayane devrait être là depuis 1h. Outre le fait que je commence sérieusement à m'inquiéter pour eux, j'en ai juste marre d'attendre quand finalement, mon téléphone retentit.

SMS « Je t'ai déjà dit d'arrêter de me harceler comme ça si tu voulais pas qu'on se fasse cramer Denitsa ! Marie a fait des crêpes pour tout le monde ce soir, je ne pouvais pas lui dire que Théo mangeait chez mon père quand même ! Je te le dépose vendredi. Bonne soirée. »

Dites moi que je rêve, c'est impossible que j'ai correctement lu cette phrase là. Impossible. Il ne peut pas me faire ça. Je ne peux plus. J'ai envoyé suffisament de signe, j'ai suffisament prévenu que j'allais péter un plomb pour que Rayane le sache. Il a trop tiré sur la corde et elle a fini par lâcher. Je prends mon portable et j'envoie un SMS à Marie. J'ai insisté pour avoir son numéro au début de mon accord en cas de problème grave. Je sais maintenant que je vais l'utiliser pour les mauvaises raisons mais tant pis. Je suis tellement mal et tellement énervée que mes doigts écrivent tout seul et que le message est envoyé avant même que je réfléchisse.

« C'est Denitsa, est-ce qu'on peut se voir toutes les deux vendredi soir sans Rayane ? »

Je suis pas folle non plus, j'attendrais d'avoir récupérer mon fils avant. En attendant, je compte bien faire tout exploser. Je sais même pas pourquoi je réagis aussi mal, je sais juste que je veux que Rayane sache ce que c'est d'avoir l'impression qu'on nous retire nos enfants. Je veux qu'il se sente comme moi.

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Désolée je posté tard en ce moment mais je me lève pas avant alors voilà mdrr ! À demain ✌🏼️

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