Le patron laissa échapper un profond soupir.


— Je vois. Ok, puisque c'est Regatti qui t'envoies, je vais te filer les tuyaux. Ici, les Italiens qui arrivent pour un boulot dans ton genre entrent dans la sphère du Pater. D'autant plus qu'il a besoin d'effectifs en ce moment. Je vais t'expliquer : est-ce que tu sais qu'à Vegas, Il Pater a été obligé de s'allier avec ces connards de Porto-Ricains ? Eh bien, c'est seulement en apparence parce qu'ils sont en compétition serrée. Si t'es un gars efficace et pas chiant, Il Pater saura amplement te récompenser.


Nero hocha simplement la tête.


— Quel âge t'as, gamin ? reprit l'homme.
— Je suis pas un gamin. Et Il Pater sera content de moi.
— Bon. Mais c'est bien parce que Regatti t'envoie. Parce que tu sais, tu m'inspires pas confiance.


Il prit un papier près de la caisse enregistreuse, sortit un stylo de sa poche tablier.


— Voilà, pour cette nuit, l'adresse d'un hôtel pas trop cher. C'est un cousin qui le gère, dis que c'est Ciro qui t'envoie et il t'accueillera. Pour Il Pater, il faut que tu commences par appeler ce numéro. Un de ses lieutenants te donnera rendez-vous, ils feront des vérifications pour être sûrs que t'es réglo. Après ça, si t'es clean t'as un boulot. Tiens, mais ne dis pas que c'est moi qui t'ai donné ce numéro, je veux pas me mouiller.


Nero prit le papier sans un mot, reprit son sac et continua la route en compagnie de ses sœurs. Ils marchèrent encore un certain temps avant d'atteindre l'hôtel que Ciro leur avait indiqué. Ce n'était pas vraiment le Mirage. Pour tout dire, c'était un petit truc plutôt miteux. Ça devait être une tradition familiale, les enseignes crasseuses et déprimantes. Ils n'avaient pas assez d'argent pour se payer une chambre au Mirage de toute façon. Ils étaient arrivés dans l'après-midi mais ils avaient tant marché que la nuit commençait à tomber. Derrière eux, du côté du Strip, les lumières en tous genres s'allumaient, embrasant le crépuscule.


♦♣♥♠


Le jeune homme poussa la porte de l'hôtel. Ils se retrouvèrent dans une salle de réception au parquet grinçant, où résonnait une musique lancinante aux accents vaguement italiens. Il n'y avait personne derrière le comptoir, ils se tournèrent alors vers des fauteuils rapiécés un peu à l'écart où ils s'assirent en attendant. Nero cala les pieds sur son sac qui reposait à terre ; les deux filles restaient droites dans leurs sièges, scrutant les alentours sans le moindre commentaire.


— Baisse le son de cette foutue musique...


L'Italien corpulent qui venait d'entrer en criant dans sa langue natale s'arrêta net quand il vit les arrivants. Il alla baisser le son de la sono en bougonnant avant de se tourner vers Nero avec un sourire hésitant.


— Bonsoir, monsieur !
Buonasera.


Le visage du gérant s'éclaircit.


— Ah, italien ? reprit-il dans leur langue. Je n'étais pas sûr. Que puis-je pour vous ?
— Je voudrais une chambre pour la nuit...
— Bien, bien, ça fera...
— ... alors Ciro m'a recommandé de venir ici.

Viva Las Vegas [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant