6. Rêve (fin)

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— Olivier... reprit-elle avec plus de douceur. Nous partons vers une impasse : vous ne me dites rien de vous, rien de cette femme ; en revanche, vous me demandez de vous révéler des pans de mon intimité que je préfère garder pour moi ou réserver à mon mari. Je vous le répète : pour concevoir une nuit sur mesure, j'ai besoin de mieux vous connaître...

— Mais je ne demande pas mieux ! Dînons ensemble. Demain, voulez-vous ?

— Je ... Je... Il faut que je demande à mon mari.

— Oh Marie, par pitié, ne me dites pas que vous faites partie de ces femmes rétrogrades qui demandent encore la permission de leur époux ! Vous êtes une jeune femme moderne et libre, non ?

— Oui, bien sûr, ce n'est pas ce que je voulais dire. Il faut que je lui demande s'il est libre demain pour que nous dînions tous les trois ensemble.

— C'est un dîner en tête-à-tête que je vous proposais. Pour faire plus ample connaissance.

— Je ne suis pas sûre que mon mari apprécierait...

— Même si vous lui dites que c'est un dîner d'affaire avec un client ? Des milliers de femmes le font chaque jour, nous sommes au vingt-et-unième siècle, de grâce !

— Ce n'est pas cela. Je vois rarement mon mari, il est toujours par monts et par vaux. Du coup, je préfère lui réserver mes soirées.

— Votre mari ne devrait pas vous laisser seule aussi souvent. Quand on a la chance de voir grandir une fleur rare, on doit en prendre le plus grand soin. Sa négligence est coupable.

— Il n'a pas le choix...

— Ça, c'est à n'en pas douter ce qu'il vous aura dit. C'est souvent ainsi qu'on justifie ses mauvais choix.

— Il est sincère ! C'est quelqu'un qui ne ment jamais !

— Il peut être sincère et, pourtant, se tromper ou se mentir à lui-même. Il est souvent plus facile pour un homme de réaliser des exploits à l'extérieur de chez lui, en multipliant les heures de travail ou les conquêtes, que d'être à la hauteur des désirs d'une seule femme, la sienne. Tenter de combler les attentes de la femme qu'on aime est un pari bien plus risqué que de réaliser des prouesses professionnelles. Voyez-vous, Marie, c'est précisément ce que je veux faire avec ma future conquête : je veux satisfaire tous ses désirs, même les plus secrets et les plus sombres. Je ne veux pas seulement partager avec elle quelques instants de plaisir ou quelques moments fugaces de bonheur. Je veux la satisfaire totalement, je veux m'immiscer dans tous les recoins de son être, je veux n'avoir pour boussole que sa seule jouissance, je veux n'avoir pour Graal que sa seule extase. Ce n'est pas une vie banale de contentements petits-bourgeois que je veux lui offrir. Ce n'est pas une jolie maison, un joli métier, de jolis enfants et une jolie retraite que je veux lui apporter. Je veux lui donner la démesure, le luxe, la magnificence, l'opulence. Rien ne sera trop beau pour celle que je voudrai faire mienne. Rien ne sera interdit. Ma seule loi sera son bon vouloir, ma seule devise sera son désir.

Marie l'écoutait, médusée par sa tirade. Il prononçait les paroles qu'elle aurait aimé entendre dans la bouche d'Angel. Oui, elle rêvait d'être la priorité absolue de son amant. Au lieu de quoi, avec ce dernier, elle avait souvent le sentiment de passer après les exigences du Ciel, après ses devoirs de bon soldat.

Sous ses airs de dandy superficiel, Olivier faisait preuve de plus de finesse qu'elle ne l'aurait pensé. Et de plus de passion. Finalement, ce client se montrerait peut-être riche, et pas seulement sur le plan financier. Il aiguisait sa curiosité. Elle voulait bien lui donner une chance.

— Olivier, voilà ce que nous allons faire. Je vais de ce pas demander à mon mari s'il peut se joindre à nous demain soir pour dîner. S'il peut, très bien. S'il ne peut pas, j'accepterai néanmoins votre invitation.

Joignant aussitôt le geste à la parole, elle rédigea un SMS à l'attention d'Angel. Enfin, le SMS, c'était pour les apparences. Car, en réalité, elle lui transmit sa demande par la pensée. Angel était en train de lui confirmer qu'il serait probablement disponible le lendemain soir, quand le smartphone d'Olivier vibra. Ce dernier consulta son écran et se levant comme un diable sortant de sa boîte, il prit immédiatement congé de Marie.

— Je dois vous laisser, Marie.

Il se dirigea vers la porte qu'il ouvrit. Sur le seuil, il ajouta :

— Je suis contraint d'annuler notre dîner. Mais poursuivez notre projet, faites-vous confiance ! Je passerai vous voir dans quelques jours.

Il était déjà en mouvement vers la sortie quand il glissa :

— Et j'adore Venise !

Venise ? Pourquoi lui parlait-il de Venise ? Pure coïncidence ? Elle aurait pourtant juré, à la façon dont il l'avait dit, qu'il faisait allusion à son rêve. Troublant...

Angel & Marie - T. 2Where stories live. Discover now