4. Absence (1ère partie)

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Marie et Angel franchirent les grilles de l'école où ils venaient de laisser leur fils pour la première fois. Angel avait passé un bras réconfortant autour des épaules de Marie. Il sentait bien qu'elle était émue, pas loin des larmes. Il savait qu'avec sa force de caractère, elle passerait cette nouvelle étape sans difficulté, mais il n'ignorait pas que sa vaillance ne l'empêchait pas d'être d'une grande sensibilité. Précisément mise à l'épreuve en cet instant de passage symbolique. Quittant les jupons de sa mère, Marc entrait d'une certaine façon dans le monde. Désormais la force centrifuge qui le reliait à ses parents, en particulier à Marie, allait s'atténuer. D'autres centres, autour desquels graviteraient ses intérêts et son attention, allaient voir le jour.

Tout en cheminant, Marie posa sa tête sur l'épaule d'Angel.

— Tu me ramènes ? demanda-t-elle.

— C'est ce que je fais, répondit-il, juste pour la taquiner et la faire sourire.

— Tu m'as très bien comprise... Pas comme ça...

— Comment ?? feignit-il de s'interroger.

— A tire-d'ailes, lui chuchota-t-elle à l'oreille.

— Vos désirs sont des ordres, Madame.

— Oh ne me tente pas ! le menaça-t-elle gentiment.

Un petit bois jouxtait l'école. Angel y entraîna Marie derrière un arbre. Cette dernière s'attendait à ce qu'il en profitât pour lui soutirer un baiser. Aussi fut-elle un peu déçue quand elle comprit qu'il avait juste cherché l'abri de l'arbre pour dissimuler la fusion de leurs auras et leur envol. Néanmoins, une fois sur son dos, encadrée par ces deux majestueuses ailes dont elle ne se lassait pas, elle se colla contre lui et nicha sa tête dans son cou.

Angel la déposa dans le grand salon de leur maison. Dès qu'elle fut à terre, Marie se saisit de la télécommande des stores et les ferma. Angel comprit immédiatement quelles étaient ses intentions.

— Marie, je dois y aller, dit-il avec le plus de douceur possible, sachant qu'elle n'apprécierait pas qu'il repoussât ses avances.

— Tu es sûr ? tenta-t-elle en se hissant sur la pointe des pieds et en déposant un tendre baiser au coin de ses lèvres.

— Malheureusement oui, je dois accomplir ma mission, glissa-t-il en l'écartant légèrement de lui.

— Même pas cinq petites minutes ? insista-t-elle en coulant vers lui un regard aguicheur.

— Même pas cinq petites minutes, dit-il d'une voix aimable mais ferme.

— Au diable tes missions ! s'emporta-t-elle, vexée.

— Marie...

— Quoi, Marie ? C'est bien ton but qu'elles aillent au diable tes missions, non ? Alors ne t'avise pas de me sermonner style « Marie, on ne dit pas ça » ! Si, on le dit ! Surtout quand on fait des avances à son mari et que celui-ci les repousse ! Et les repousse une fois de plus ! C'est vrai, quoi, j'en ai assez, elles ne peuvent pas patienter cinq minutes tes missions ? Tu as tant hâte de les retrouver ? Alors, vas-y, cours, cours les retrouver !

— Marie, tu t'énerves inutilement. Je comprends ta déception. Je la partage. Mais mon devoir m'appelle. Je dois remplir mes missions, tu le sais. Tu sais également que je n'y prends aucun plaisir, loin s'en faut. Alors, oui, je vais courir retrouver ma mission, parce que je le dois.

La prenant doucement par les épaules et plongeant son regard dans le sien, il ajouta :

— On se retrouve tout à l'heure.

— Quand ? Tu seras là pour déjeuner avec Marc et moi ?

— Non, je ne pense pas.

— Mais, Angel, c'est son premier jour d'école ! Il va avoir plein de choses à nous raconter ! Tu ne vas pas rater ça ?!

— Je crains de ne pas pouvoir revenir avant la fin de la journée. J'en suis désolé.

Marie tourna les talons, sans un mot ou regard supplémentaire. La rigidité d'Angel l'exaspérait parfois. Dès qu'il s'agissait de ses missions, il se montrait inflexible. Au point de lui donner le sentiment de passer après. Elles étaient sa priorité. Marie et Marc devaient se glisser dans ses interstices de temps libre. Bien sûr, elle savait bien qu'il n'avait guère le choix. Les Juges ne le rateraient pas en cas de négligence. Mais elle aurait aimé, qu'une fois de temps en temps, il acceptât une petite entorse au programme. Façon de lui signifier qu'elle comptait plus que tout. Mais non, il ne déviait jamais, au grand jamais, du programme imposé de ses missions.

Avant d'ouvrir la porte de son bureau, elle jeta un coup d'œil derrière elle. Prête à fondre si Angel la regardait penaud, avec un air de chien battu. Mais la pièce était vide. Il était déjà parti. Est-ce que vraiment elle importait pour lui autant qu'il le prétendait ? Etait-il normal qu'il restât sourd à ses demandes et à sa détresse ?

Angel & Marie - T. 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant