Chapitre 10

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(musique : keep breathing // ingrid michaelson)

Point de vue de Lexie

"Tu arrives à dormir plus facilement ?"

"Oui."

Ce n'est pas exactement la vérité, mais j'ai appris au fil des années que ma psychiatre aime commencer ses séances par des bonnes nouvelles. Ça doit probablement lui donner l'impression qu'elle a fait du bon travail, et elle est animée d'une grande joie durant le restant de notre consultation.

"Enfin, les rêves ont recommencé, ajoutai-je."

"Toujours les mêmes ? questionna-t-elle en prenant des notes."

"Pas exactement. Je suis toujours sur le toit de cet immeuble, avec cette tempête qui me fait perdre l'équilibre et, au bout d'un moment, je me laisse tomber en arrière. Mais, cette fois-ci, il y a une suite. Je vis toute la chute dans les moindres détails, comme si la scène était subitement au ralenti. J'ai un sourire collé aux lèvres, j'ai l'air d'être heureuse. En tout cas, je suis beaucoup plus joyeuse qu'en temps normal. Et puis, je me fracasse par terre et mon corps explose en petits morceaux. Il fait très sombre, mais je parais en confiance."

"Ça se finit comme ça ?"

"Non, après ça, tout devient blanc et... je vois son visage."

"Le visage de qui ?"

"Vous le savez bien, rétorquai-je."

"A vrai dire, non, je ne le sais pas. Si j'avais envie de deviner, je comprendrais clairement de qui tu me parles, parce que cette mystérieuse personne revient fréquemment dans nos discussions. Mais, j'aimerais que tu me dises de vive voix de qui tu me parles tout le temps. Je voudrais avoir le prénom de cette personne."

J'arrache nerveusement la peau de mon pouce, mais j'ai pris soin de cacher ce spectacle en recouvrant mes doigts de mes manches. Si elle le voyait, ma psy penserait que mes tocs sont revenus et je devrais commencer un nouveau traitement.

"Juste un nom, Lexie, m'encouragea-t-elle."

"Jai."

Elle acquiesce, un sourire aux lèvres, et l'inscrit également sur son papier.

"Alors, tu rêves que tu te jettes d'un immeuble, et c'est le visage de ce... Jai que tu vois avant de te réveiller."

Je hoche la tête positivement, mais je sens que mon cœur se resserre à l'évocation de son prénom. Jai... Je rectifie alors :

"Ça ne s'achève pas si brutalement. Son visage me sourit, et puis, il se met à parler. Il prononce mon nom et me demande de venir."

"De venir où ?"

"Je ne sais pas comment appeler ça. Le paradis ? Personne ne sait si cet endroit fait autant rêver, alors, je n'aime pas ce terme... L'autre côté. L'endroit où vont soi-disant les âmes quand on meurt. Enfin, vous voyez."

"Oui, je vois."

"Bref, il me dit de le rejoindre. Il me dit que je me sentirai mieux là où il est. Et, je le crois, parce que je lui ai toujours fait une confiance aveugle et que je suis certaine qu'il dit vrai. Parfois, le rêve se finit ici, mais, certaines fois, j'ai le temps de me relever et d'attraper sa main avant que ça ne s'arrête."

"Tu parles de le « rejoindre », est-ce que ça signifie qu'il y est déjà, dans cet autre côté ? Il est mort ?"

Je me sens obligée de fermer les yeux un instant afin d'éviter de m'écrouler par terre. Elle me demande de le reconnaitre, de donner une réponse claire. Je suis emparée de frissons.

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