...en sortant...

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En sortant de la chambre je manque de bousculer Tara qui sans le vouloir a certainement dû écouter une partie de la conversation.

— Tu pleures, constate t'elle

Je ne lui laisse pas l'occasion de me regarder plus longtemps, je l'esquive jusqu'à ma chambre où je prends mon masque à oxygène avant de me diriger dans les rues du camp. Mes larmes cessent de couler à la minutes où je pose le pied dehors, la chaleur est si forte que l'humidité sur mes joues s'évapore presqu'immediatement.
Je me sens seule tout d'un coup dans ces rues jonchées de femmes, mais ce n'est pas plus mal, je n'ai pas particulièrement envie d'être entourée.

Vraiment ?

Mes jambes me dirigent vers le rendez-vous des cultivatrices, quelques unes sont déjà sur place, se chariant et choisissant les meilleurs outils.

— V'la la petite déserteuse, fait remarquer l'une d'entre elles en me faisant un signe de tête.

— Tu viens avec nous ?

Je hoche la tête en prennant une pioche qu'on me lance à la volée. Le contact du fer chaud sur ma paume est rassurant, mes mains trouvent vite leurs appuis et mon esprit se vide un peu plus.

— Ça tombe bien, aujourd'hui on a besoin de bras, ricane une afroïde aux épaules frêles.

Très vite, leur conversation m'échappe, je n'écoute plus, le regard dans le vide j'essaye de contenir les résidus de colère qui me reste dans le cœur. Être loin de Yemaya a quelque chose d'apaisant, ses colères sont toujours dures, celle là encore plus.

Parce que tu en es la raison principale.

Un grosse tape dans le dos me sort de mes pensées. Le groupe s'est agrandit et le départ semble imminent. Près de moi, Neville me fixe avec l'air d'être réellement contente de me voir.

— Tu es venue de toi-même

— Je suis contente de te voir aussi, fais je.

— Tiens pour la peine, poursuit elle en coupant en deux le beignet qu'elle tiens entre les doigts avant de me tendre un morceau.

Je n'hesite pas longtemps avant d'accepter son cadeau. Le groupe du matin ne tarde pas à revenir en apportant avec elles le chant si familier. Elles rient et malgré la fatigue qui se lit sur leur visage, elles semblent satisfaite de cette journée de travail. De nombreux outils passent d'une main à l'autre, ainsi que des salutations et des aceuils chaleureux.
Le groupe de l'après-midi, dont je fais parti, entame la marche avant même que toutes les femmes du premier groupe ne soient arrivées. Cette fois, je tente à peine de suivre le rythme du chant, je n'ai pas le cœur à pousser la chansonnette.

— Tu m'as l'air tendu pour une fille qui va au champ, commente Neville en me secouant gentiment l'epaule.

Je lève les yeux vers elle, avant de lui faire un sourir navré. J'aurais tant aimé pouvoir me confier à elle, lui dire ce qui ne va pas et recueillir ses conseils qui, je suis sûre, sont précieux. Mais je ne peux pas me permettre de m'attirer les foudre d'Abimola, cette vieille salamandre a certainement assez d'influence parmis les femmes du camp pour savoir tout ce qui s'y dit.

— Tu n'es pas obligé de me donner les details, mais je penses que ça te ferais du bien de parler, poursuis Neville en retirant sa main de mon épaule.

C'est tentant, cette proximité, ce chant qui nous entoure et cette illusion de communauté que je n'ai jamais ressenti. Je soupire, retenant des larmes qui n'ont pas fini de couler. Je serre les dents, puis les points, me rappelant qu'il n'y a pas assez d'eau pour que je puisse me permettre d'en perdre avant même d'avoir commencer à travailler. Je sens le regard de Neville sur moi et cette tentation si dangereuse qui me donne envie de tout lui dire.

ALKEBULAN T.1.Le cœur du mondeWhere stories live. Discover now