...Sekani me tend une cartouche...

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Sekani me tend une cartouche. Les événements des dernières heures nous ont fait utiliser beaucoup d'oxygène,

Beaucoup trop,

À cette allure on pourrait finir nos réserves avant d'atteindre le bout de la carte.
Je secoue la tête pour chasser ces pensées et visse la capsule à mon masque. A peine mis, l'oxygène s'engouffre dans mes voies respiratoires jusqu'à mes poumons. Il est froid, et crépite légèrement à l'intérieur de moi, mais il a un goût de salvation, il défroisse mes poumons et soulève ma cage thoracique à un rythme plus raisonnable.

Tu respirais mal depuis plusieurs heures.

Nous nous sommes arrêté à l'ombre d'un immeuble en ruine, dans le but d'échapper un peu à la chaleur et à la lumière aveuglante du soleil.  Autour de nous, il n'y a que des ruines et du silence, on s'entend respirer, on distingue légèrement le crépitement de nos semelles en plastique se craqueler sous la chaleur et le bruit de nos pas dans la poussière presque rouge de cette ville fantôme.
A part ça, rien.
Depuis le dernier que nous avons entendu, aucun cris n'a fait échos jusqu'à nos oreilles. Même le vent d'habitude si bavard, se fait discret ici.
Je ne suis pas rassurée, le silence de cet endroit à quelque chose d'angoissant. Comme si tout se mettait en suspens dans l'attente d'une catastrophe.

Une catastrophe que vous ne saurez pas anticiper.

Des dizaines de questions assaillent mon esprit, mais aucune n'a de réponses. Je suis angoissée et terrifiée. C'est dans ces moments là que respirer du GH s'avère utile, mais Sekani n'a pas pris mes réserves.

Sevrage forcé.

— Tiens.

Je lève les yeux vers Yemaya et prends la bouteille d'eau qu'elle me tend, le plastique s'est déformé sous l'assaut du soleil et chauffe sous mes doigts. Je porte le goulot à mes lèvres et  l'eau presque brulante se glisse sur ma langue puis dans ma gorge asséchée et j'avale trois gorgées avant de rendre la bouteille à ma sœur.

— Tu ne dois pas attendre d'être déshydratée pour boire.

— Il faut économiser nos ressources, on ne sait pas ce qui nous attends.

Elle soupire, puis s'assoit près de moi dans la poussière. A quelques pas, Sekani montre à sa sœur comment fonctionne le GPS, sa voix meuble le silence environnant et se répercute sur les parois des immeubles.

— Je penses qu'on peut réussir, souffle Yemaya sans me regarder.

— Tu es très optimiste.

Un peu trop.

— Mon instinct me dit que ça ira.

— Ton instinct ? Sourié je.

Quand je tourne la tête vers elle, je remarque sa mâchoire se contracter et ses doigts aggripés contre ses genoux.

— Tu as mal.

Elle ferme les yeux et prend une grande inspiration.

— Je peux marcher encore un peu.

Sans chercher à répondre je me relève doucement.

Autant partir maintenant.

D'ici deux heures elle sera incapable de faire un pas de plus.

— On y va, annoncé je à l'intention de Sekani.

— On peut pas se reposer ici ? demande Tara en faisant une moue déçu.

Tous se mettent debout et Sekani reprends le chemin en affichant l'hologramme de la carte avec son pod.
Cette fois on marche à l'ombre, dans le sable près des immeubles, évitant l'asphalte chaud qui pourrait faire fondre nos chaussures.
A chaque pas, je verifie près de moi l'état de ma sœur, j'arrive à mesurer l'évolution de sa crise au fil des minutes qui passent. Bientôt il va falloir s'arrêter pour que je lui donne de quoi calmer ses douleurs.

ALKEBULAN T.1.Le cœur du mondeTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon