...quand je passes le pas de la porte...

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Quand je passes le pas de la porte la différence avec l'extérieur est immédiate. Ici aussi, Tara y a mis ses plantes. Elle les a placés dans toutes sortes de récipients absurdes allant du bocal au sac en tulle et le tout recouvre les murs décrépis de feuilles  humides emplissant la pièce de leur fraîcheur. Je retire mon masque et prend un grande inspiration de cet air si agréable.

Cet air illégal.

Une légère odeur de terre mouillée embaume la pièce principale, seulement constituée d'une petite cuisine et d'un espace de vie dans lequel se trouve des plantes, une centaine de petites bouteilles en plastiques remplies d'eau et d'une natte, autrefois verte, dont les bords ont été grignoté par le temps. Sur le petit meuble en fer placé à l'entrée je pose mon masque à oxygène et toutes les capsules d'oxy que j'ai.

Sauf deux.

Je retire ensuite mes bottes de faux cuir recouvertes de terre, avant de m'engouffrer dans la seconde pièce de l'habitation, la chambre. Nos matelas on été placé contre le mur peint d'un orange délavé et ma sœur est agenouillée au centre de la pièce, sur une natte bleu, un chapelet muni de grosses perles en plastique marron à la main, recitant silencieusement un verset. A travers l'unique fenêtre de la pièce, le soleil s'échoue paresseusement sur sa peau brune et fait briller ses cheveux noirs, qu'elle a élégamment tressé sur sa tête. Je m'adosse contre l'encadrement de la porte et attend qu'elle finisse. Son pouce fait rouler les perles sur sa main et ses sourcils sont légèrement froncés alors que ses lèvres s'ouvrent et se ferment au rythme de sa récitation.
Elle a toujours été la plus jolie d'entre nous deux, si elle l'avait voulu elle aurait pu avoir une vie bien différente de celle-ci.
Ses murmures résonnent contre les murs de la pièce en même temps que le bruit des perles qui s'entrechoquent entre elles.
Dans un souffle elle finit sa prière et lève ses yeux en amande vers moi.

—               Tu es rentrée tôt, fait-elle en se relevant dans un soupir.

J'entends ses articulations craquer de là où je me trouve et son souffle se faisant court sous l'effort.

—          Ça va ?

—          Oui oui ça va.

Je remarque son léger boitement et ses yeux vitreux, gonflés.

Ses crises ont recommencés.

Sa souffrance se lit dans chacun des pas qu'elle fait, ils sont lents, laborieux et ses efforts pour essayer de le cacher son encore plus remarquables. Je l'observe en silence, retenant l'envie de l'aider pour lui permettre de garder la dignité à laquelle elle s'accroche tant.

—              Comment vont Sekani et Tara ?

—              Bien, comme d'habitude.

Elle hoche la tête en s'appuyant sur mon épaule pour s'aider à marcher jusqu'à la pièce de vie. Sa main tremble.

—         Tu vas travailler ce soir ?

—          Oui.

Elle hoche encore la tête d'un air entendu, retenant la grimace de douleur qui réussit à percer son masque.

—           Tu dois te reposer, demain il y a ton prélèvement.

—            Je sais, soupire t'elle en se dirigeant difficilement vers le coin cuisine.

—           Tu te sens prête ?

—           Je n'ai pas le choix de toute façon.

ALKEBULAN T.1.Le cœur du mondeOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz