Pithékanthra

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Au commencement des temps, lorsque les Dieux bâtirent le Monde, ils peuplèrent la terre de créatures majestueuses et les cieux d'étoiles étincelantes. Dans les tréfonds des océans, vivaient les Nāgas, êtres splendides au corps de serpent couronné de visage humain. Leur loyauté et leur puissance firent d'eux les gardiens des plus profonds mystères, de secrets oubliés de l'univers.

Les Sirènes jaillirent de l'écume et du chant des vagues. Leur beauté était telle que le soleil lui-même se languissait de leur grâce, prolongeant l'aube pour caresser de ses rayons leurs chevelures. Ces créatures possédaient une voix dont la mélodie pouvait apaiser la colère des tempêtes et charmer le cœur de toute créature vivante. Mais elles étaient beaucoup plus que cela encore.

Au fil du temps, un pacte se tissa entre les dragons des mers et les créatures aux voix envoûtantes. Par leurs capacités de conjuration, ces dernières préservèrent les Cités englouties des premiers. Elles érigèrent d'immenses barrières autour d'elles, dissimulant leur existence au monde : pas seulement aux yeux des fragiles humains, mais même à ceux des entités les plus puissantes. Les Dieux eux-mêmes ne purent désormais approcher les Nagas, ni leurs villes, encore moins leurs trésors.


Enfin, tout ça, songeait Milan, c'était surtout du folklore. Il ne niait pas l'existence de Dieux antiques, encore moins leurs potentiels pouvoirs, mais doutait néanmoins de leur capacité à créer un univers aussi complexe et intangible que le leur. Quant aux Sirènes, Milan ignorait de quelle manière elles étaient nées, mais ce n'était sûrement pas grâce à l'écume et au chant des vagues... Plutôt d'une histoire dramatique et apocalyptique dont les mythes avaient le secret.

De même, les Nāgas n'étaient pas tout à fait leurs alliés. Oh, sûrement qu'ils avaient accepté, avec le temps, d'être relégués au simple statut de Gardiens, eux qui appartenaient autrefois à l'illustre espèce des Dragons. Mais finalement, ils étaient davantage des esclaves que des Alliés.

Il fallait dire que les Sirènes, les vraies, n'avaient à peu près rien de ces créatures merveilleuses mises en valeur par la culture populaire. Toutes ces mignonneries répandues à leur égard n'avaient peut-être de juste que leur sidérante beauté. Pour le reste, elles étaient extrêmement dangereuses. Leur puissance, au même titre que les entités les plus puissantes du monde, les rendait froides et cruelles. Ni l'homme, ni les vampires, ne méritaient regard à leurs yeux, si ce n'est pour servir leurs desseins, qu'ils soient ponctuels ou de longue envergure. Elles utilisaient les mortels lorsqu'elles en avaient besoin, mais n'hésitaient pas à les abattre, s'il le fallait. La moralité, ou l'absence de moralité, n'avait pas la moindre place dans leur perception du monde. Elles traçaient leur chemin dans le sillon du Temps, et n'avaient que faire de l'univers des mortels.

Cet aspect de leur caractère avait ses avantages et ses inconvénients : elles pouvaient vous écraser comme un insecte gênant, aussi bien que vous ignorer totalement. 

Cependant, dès lors que l'on commettait l'affront de chercher à pénétrer dans leur domaine, il était difficile d'être ignoré. L'on devenait alors l'ennemi à abattre.

C'est ce qu'était devenu, de manière totalement délibérée, Milan Lazsco, en cherchant à atteindre la Cité engloutie de Pithékanthra.


Pithékanthra était ce que l'on pouvait appeler une Cité-Univers. Elle était unique et multiple à la fois, reliée à toutes les autres Cités englouties des Nāgas. Le pouvoir des Sirènes permettait ce prodige, ainsi que bien d'autres. Sa location, dans les profondeurs de la Mer Noire, était à la fois précise et changeante. La Cité pouvait à volonté apparaître ou demeurer invisible, se soustraire aux regards des plus puissantes magies ou des technologies les plus avancées. 

Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en  coursWhere stories live. Discover now