Brève rencontre

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Les deux individus étaient sortis sans heurt de la foule bruyante et bigarrée qui les dissimulait. Un homme et une femme, tous deux vêtus comme s'ils étaient issus d'une autre époque.

Leur peau était fortement maquillée, jetant une lueur dorée dans la nuit. L'homme possédait des traits fins et aristocratiques, une apparence jeune que niait son sourire rempli d'une assurance sournoise. Ses longs cheveux noirs encadraient un visage anguleux où ressortaient des yeux d'un bleu glacial. Ses vêtements raffinés, depuis le chapeau haut de forme jusqu'aux gants perlés lui couvrant les mains, soulignaient un goût prononcé pour le luxe.

La femme paraissait plus mûre, plus confiante encore. Elle avait des cheveux noirs, longs et bouclés, un teint pâle et des yeux verts envoûtants. Sa silhouette fine et élancée, son sourire enjôleur, énigmatique, intimidaient dès le premier regard. Quant à sa robe Charleston de soie, pourvue de franges et de paillettes, elle mettait parfaitement en valeur sa beauté diaphane.

Le plus intimidant étaient leurs yeux, d'une profondeur sans fond, et nimbée d'une teinte orangée que seuls de rares humains pouvaient distinguer.

En les voyant subitement surgir, à deux pas devant eux, Célia crut qu'ils allaient les assaillir, ici, en pleine rue au milieu de la foule. Ils ne montraient aucun signe d'agressivité, mais marchaient droit sur eux, de telle manière qu'ils ne pourraient s'éviter.

Par le fait, ils ne se détournèrent pas : ils s'enfilèrent droit entre Milan et Célia. L'homme bouscula la jeune stryge d'un coup d'épaule, avant qu'elle ne puisse l'éviter. Quant à la femme vampire, elle passa en laissant traîner un voile de soie derrière elle, qui vint caresser le visage de Milan Lazsco pendant qu'elle le dépassait dans un sourire provocateur.

Telle était la surprise de Célia - double en fait - qu'elle n'eut pas le réflexe de réagir. Elle ne les avait pas vus ni même sentis approcher. Leur collision l'avait déstabilisée et elle eut à peine le temps de se retourner qu'ils s'engouffraient de nouveau dans la foule.

Un moment, la jeune stryge se demanda s'il fallait les rattraper, ne serait-ce que pour comprendre de quoi il retournait ; mais elle ne percevait déjà plus leur présence, même avec ses sens de stryge, comme s'ils s'étaient purement et simplement volatilisés. En outre, Milan ne semblait pas donner signe de réaction.

  – C'était... des... souffla-t-elle, sans terminer sa phrase, encore interloquée par cet épisode aussi bref qu'inquiétant.
  – Je sais.
  – Tu... mais... tu les connais ? Qu'est-ce qu'ils voulaient ? demanda Célia en scrutant la foule, tous ses sens aux aguets à présent. Pourquoi est-ce qu'ils nous ont... (elle hésita à dire "agressé" mais le terme était un peu fort) ... accostés ?

Comme son compagnon mettait du temps à répondre, elle ajouta :

  – Pourquoi je ne les ai pas sentis ? J'aurais dû les repérer.
  – Je n'ai rien vu venir non plus, dit le personnage. Mais ils sont chez eux, un vampire est toujours plus puissant sur son territoire. C'est un peu comme jouer à domicile, plaisanta Milan en jugeant être au bon endroit pour user d'une métaphore sportive.

  – C'est la première fois... qu'un vampire m'accoste sans que je le sente venir, fit la jeune femme, qui n'avait guère envie de plaisanter, trop déstabilisée pour cela.
  – Ils ne t'ont sûrement pas repérée, si c'est ce qui t'inquiète. Ce n'est pas toi qu'ils visaient.
  – Je n'ai pas non plus réussi à les suivre, continua Célia. Ils ont disparu, comme en claquant des doigts.

  – Je comprends que tu sois perturbée, ta nature de stryge ne t'a pas préparée à ce revers. Mais les vampires possèdent de nombreux atouts, qui peuvent mettre en difficulté même des créatures comme toi. Les vampires du cru ne sont pas au-dessus de tes pouvoirs. C'est juste qu'ils ont certaines spécificités mentales avec lesquelles il faudra te familiariser.

Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en  coursWhere stories live. Discover now