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Ce week-end, la bande des « débiles » fête l'anniversaire d'Anatole. Les amis sont surexcités, c'est leur dernière grosse soirée ensemble avant qu'il ne parte à Paris. Isidore est un peu peiné de se rendre compte que cet épisode de la vie d'Anatole a peut-être une fin, qu'il part pour Paris pour une durée indéterminée.

—   Let's gooo ! Isi' est là ! s'exclame Max comme d'habitude, en voyant le blond débarquer.

Il s'en veut un peu mais c'est vrai qu'il s'est un peu éloigné de ses meilleurs amis du collège depuis la rave. Il connaît juste ses limites, s'il voulait réduire sa consommation de beuh, ce qu'il a réussi globalement, il ne pouvait pas trop les voir au quotidien. L'envie serait trop forte. Et puis, Isidore trouve qu'il y a très peu de différences entre les moments où ils se voient souvent et quand ils ne se voient pas pendant longtemps. Il prend peut-être ces amitiés trop pour indéfectibles mais ils ont grandi ensemble. Il n'y a qu'à se rappeler quelques souvenirs, se taper des bonnes barres et la complicité revient à grands galops.

—   Hé les gars, passez-moi une bière. Ça dit quoi en ce moment ?

Et vient le moment des prises de nouvelles, où Isidore rattrape le temps perdu. Les filles discutent de leurs boulots respectifs. Lili s'est finalement déscolarisée pour s'investir dans ses projets de design en freelance. Paul V. montre ses dernières livraisons, tout droit venues du port de Rotterdam. Max va bosser en tant que serveur dans un camping sur l'île d'Oléron tout l'été tandis que le rappeur Paul J. enregistre son premier EP dans sa chambre. Il se met même à mixer un peu de trance.

—   Et toi ?

—   Je viens de finir mes partiels. Rien de spécial.

Étrangement, ça lui fait quelque chose de voir que tout le monde évolue, sans changer radicalement de vie.

—   Alors ?

—   Je pense que ça va passer. J'ai eu des sujets très similaires sur lesquels je me suis entraîné, donc... ça va.

—   C'est cheaté ! réagit Max.

—   Tant mieux pour toi, se contente de dire Alice.

Anatole sort des toilettes. Il sourit à tout le monde, puis en particulier à Isidore.

—   Bon, on s'met une race ou pas ? clame-t-il en se frottant les mains.

*

Au moment de fumer un joint, Isidore tire peu. Il imite Anatole, qui ne prend qu'une taffe. Les deux se soutiennent silencieusement.

—   Vous arrêtez ? demande Paul V., surpris.

—   Moi je réduis, et Anatole essaie d'arrêter.

—   Pourquoi ?

Anatole explique alors toute la situation avec Angèle. Puis, vient le tour d'Isidore. Il se tourne les pouces. Il hésite à être sincère, par peur d'être jugé par ses proches.

—   Ça me bouffe trop le cannabis. Je ressentais plus rien, tout était aplati : la colère, la tristesse, même la joie.

—   Isidore poète, se moque gentiment Paul J.

Les filles soupirent.

—   C'est bien Isidore, écoute pas l'autre. T'as raison de réduire.

—   Où est le mal à bédave ? se contente de renchérir Paul V.

Isidore sent un décalage entre les garçons et lui. Ils le vivent comme une micro-trahison. Le cannabis inspire beaucoup Paul J. pour ses chansons, donne littéralement des sous à Paul V. et, fluidifie toutes les interactions sociales de Max.

—   Moi j'adore bédave, se défend Isidore. C'est juste que j'aime tellement ça que ça pourrissait ma vie.

Anatole acquiesce, en signe d'encouragement.

—   Mais t'as qu'une vie, remarque Max, l'air triste.

—   J'sais pas, c'est juste un choix que je décide de prendre.

Il n'a pas envie de blesser les autres. L'addiction est un sujet sensible et Isidore est le premier à comprendre comme les discours anti-drogues peuvent froisser. Son pari personnel, c'est qu'il peut rester ami avec ses potes sans forcément trop fumer, juste quelques fois en soirée. De ses pèt', il n'a gardé que le joint avant de dormir. Le reste, il limite.

Les miettes de tensions partent quand Lili se met à rire du fait du joint. Les autres la rejoignent en chœur. Isidore se sent rassuré quand les garçons lui font des tapes chacun dans le dos, en signe de compréhension. Pas besoin de langage verbal direct chez eux. Paul J. augmente la musique. C'est bon. Isidore se sent mieux.

AïeWo Geschichten leben. Entdecke jetzt