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—   Tu sais, moi si je devais faire un mur de photos, je crois que je n'aurai presque rien à coller, lance-t-il en regardant de nouveau le mur de gauche.

Les deux amants se font un câlin. Coline est allongée sur lui, la tête sur son buste. Il joue avec ses cheveux tandis qu'elle le scrute en silence. Entre eux, il n'y a que des gestes tendres, des sourires et regards doux. Ils se sentent amoureux, dans leur bulle adorée. Elle lui a tant manqué.

—   T'exagères. T'as pleins de copains.

Isidore soupire.

Pleins de copains mais de moins en moins d'expériences communes...

Il est déjà minuit passé. Ils ont passé une belle journée, ancrée dans la quotidienneté et la fraîcheur de leurs interactions. Le blond n'a qu'une envie, ralentir encore plus le temps.

—   Isi' ?

—   Mmh.

Il sent qu'elle va lancer un sujet qui fâche, rien qu'au ton de sa voix, exactement comme la dernière fois, dans la pénombre d'une chambre, les corps en contact l'un avec l'autre.

—   Qu'est-ce qui n'allait pas ce dernier mois ? Tu peux tout me dire tu sais.

En temps normal, Isidore aurait répondu : « rien du tout, c'est passé » mais il n'a même plus la force de prendre sur lui. Il aimerait abandonner sa fierté, la peur de perdre l'autre, le temps de ce weekend avec Coline. Il sent bien que ça n'aide pas quand il se tait.

—   J'arrive pas trop à formuler.

—   Si tu veux, on peut retracer et essayer de comprendre ensemble.

—   OK.

Elle lui prend la main en signe d'encouragement. Leurs paumes sont chaudes et le contact le réconforte instantanément. Les histoires d'amour dans la vraie vie sont bien plus flippantes que dans la fiction, il n'y a jamais de « Ils vécurent heureux jusqu'à la fin de temps » : il faut tout construire, pas à pas.

—   Je pense que ça a commencé avec mon anniversaire. Avoir vingt-trois ans et aller au lycée pour être surveillant, ça m'a fait tellement chelou. J'ai eu l'impression d'être super vieux d'un coup.

—   J'imagine le décalage...

—   Puis, y a eu ton stage. C'était comme une douche froide. Je m'étais pas trop posé de questions sur l'an prochain, parce que je savais que je ferai en fonction de toi, et là, tu pars au Canada.

Coline baisse les yeux, bredouille.

—   Je le savais ! Tu disais que tout allait bien sur ce point mais tu voulais juste pas m'avouer que ça te dérangeait...

—   Je veux pas être un obstacle dans tes études et ton parcours. C'est trop précieux toutes les chances que t'as.

Ils se serrent encore plus fort l'un contre l'autre. Après quelques baisers, Coline caresse la joue froide d'Isidore.

—   Puis, y a Anatole ! Anatole et Angèle qui partent sur Paris. Y a aussi mes parents qui insistent pour que je trouve un CDI au plus vite après le master. Mais je suis pas prêt.

—   Oh Isidore...

—   J'ai l'impression d'être tout le temps à l'ouest. Les autres sont tellement sereins face à l'avenir, moi j'ai la boule au ventre tellement j'ai pas d'inspi'. Je sais pas quoi foutre de ma vie.

Coline lui dépose un baiser sur le front.

—   C'est pas grave, tu as encore le temps pour réfléchir.

AïeWhere stories live. Discover now