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Pour les vacances de Pâques, Isidore s'est lancé un défi qu'il juge faisable : trouver une passion, même une petite, de quoi occuper son temps libre. La quête n'est pas très spontanée, mais ses proches trouvent que ça ne lui ferait pas de mal d'essayer. Avec Selim, au dernier dîner de famille, ils ont fait un brainstorming avec les seules pistes qu'Isi' avait en tête. Le blond aime le vélo. Il ne sait pas trop s'il aime voyager seul. Selim lui a conseillé de faire un petit voyage à vélo, histoire d'essayer, le temps qu'il faudra.

L'itinéraire est simple : à la clef, aller voir Coline à Bordeaux pour le motiver. Il s'est alors renseigné, retenu le plus bel itinéraire possible près des littoraux, avec le moins de voitures. Il s'est même entraîné quelques weekends dans les parcs avec Anatole qui trouve ça amusant qu'Isidore ait une soudaine fixette sur le vélo.

Sur son dos, il a de quoi camper malgré le froid. Isidore se sent prêt. Plus de 650 kilomètres à parcourir, c'est déjà ambitieux. De Rennes, il vise Redon, Brest, Saint Nazaire et Royan pour descendre jusqu'à Bordeaux.

Après avoir répété des maraudes et aider les plus démunis, vus ses amis pour s'amuser et se divertir, il se dit qu'il a besoin peut-être d'aventure, de sport, de quelque chose qui le force à se dépasser. Isidore a consommé un nombre infini de vidéos de développement personnel sur Youtube, pour lui rappeler qu'il n'y a pas d'âge pour avoir des passions ou que le voyage solo est une aubaine pour les personnes perdues.

Idéalement, il se voit même faire un tour du monde à vélo. Un Paris-Istanbul s'il s'ennuie plusieurs mois l'an prochain. Des gens font ça, pourquoi pas lui ? Les passionnés dépassent toujours toutes les attentes.

Seulement voilà. Après deux jours de pédalage intense, de nuits passées dans le froid et de solitude profonde, Isidore est soûlé. Il n'aime pas du tout l'expérience. Ses fesses lui font mal, a fait une chute qui lui a laissée quelques égratignures et capte très mal le réseau. Souvent avec peu de batterie, il a quasi zéro interaction sociale. Il se sent naze.

—   Je me fais chier, dit-il au téléphone à Selim.

—   Mec, te décourage pas ! C'est l'aventure.

—   Aventure de merde.

Le pire, c'est qu'il n'a déjà plus de cons'. Il a tout fumé en deux jours, incapables d'être en paix avec le tumulte de ses pensées sans musique. Même les beaux paysages et la mer l'ennuient sans quelqu'un à ses côtés. Vraiment, Isidore s'est surestimé sur ce coup-là.

—   Je vais prendre l'Intercités jusqu'à Bordeaux, sinon je vais péter un câble.

—   T'es sûr ?

—   Mais Coline est même pas à Bordeaux là. J'étais censé arriver beaucoup plus tard à vélo...

—   Tu peux toujours faire demi-retour... rentrer en train au pire des cas...

Isidore a juste besoin que quelqu'un le lui permette, le dise à sa place.

—   Bon bah, OK, je rentre, capitule-t-il avec un peu de soulagement.

Sur le chemin vers la gare la plus proche, Isidore réalise comme ce n'est pas évident de trouver une passion à vingt-trois ans. Il sait que ce n'est pas impossible, mais il est difficile de forcer le coup de foudre avec une activité. Il se moque un peu de lui-même, dans le train, en réalisant qu'il avait espéré trouver quelque chose qui pouvait l'animer en deux temps trois mouvements. L'expérience prouve juste le contraire. Il ne la regrette pas, mais se dit qu'il n'est juste pas comme les autres avec leurs grandes passions irrésistibles. Il n'a pas ce qu'Anatole a pu ressentir en renouant avec la photographie, ou Coline avec les sciences politiques, Selim avec la jardinerie. Isidore, il n'a que ce creux d'hobbies improductifs mais il se dit que c'est de moins en moins grave, avec le temps... il essaie, mais réalise à quel point cela fait juste désormais partie de lui.

AïeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant