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Les adolescents ont une énergie particulière, sorte d'ardeur invincible à peine perceptible. Isidore le voit dans leurs mouvements, l'entend dans leurs rires, le sent dans leurs regards espiègles. Il aperçoit une pointe de solitude dans chacun d'eux, une inquiétude face à leur apparence, une tendance à se sentir déconnecté et pourtant centre du monde. C'est une énergie qu'il apprécie, au bout du compte.

Isidore ne pensait pas reposer un seul pied dans son ancien lycée. Établissement de briques et de pierre, aux tons rappelant une époque française révolue. L'endroit ne lui a jamais vraiment plu, mais il s'y sent bien. Aujourd'hui, ce n'est pas en tant qu'élève qu'il y passe du temps, mais en tant que surveillant. Il a décroché le job il y a à peine deux jours après la retraite anticipée d'Ania, la surveillante la plus âgée que son lycée n'ait jamais connue. Il lui faisait la misère il y a encore quelques années, avec toutes ses conneries, la pauvre... Aujourd'hui, c'est presque risible qu'il prenne sa place. À son tour de coller les élèves et de noter leurs retards : drôle de destin.

C'est la mère d'Isidore qui a conseillé à son fils de décrocher un job étudiant, quelque chose de pas trop prenant pour qu'il puisse continuer à suivre son master tranquillement. Son père, adjoint du maire de la ville, l'a pistonné. Sa mère pense sincèrement qu'il en a besoin s'il veut économiser pour l'année prochaine, qu'importe ce qu'il décide de faire. Ce que le blond sait, c'est qu'il veut voir plus grand, sortir de son trou, changer d'air. Mais il n'a jamais vraiment eu le courage de le faire : après une licence et un master d'éco, il devrait se sentir prêt à lancer dans de nouvelles péripéties. Mais rien n'est moins sûr. Il n'a aucune idée de là où il va finir l'année prochaine.

En se comparant avec l'Isidore du lycée, il se rend compte qu'il n'a pas tant changé. Même tête, un peu moins d'acné, des cernes intenses à force de trop traîner sur youtube, un début de barbe avec des trous sur les côtés. Même au niveau du style, il est resté fidèle à ses vêtements unis et baggy. S'il n'était pas le plus grand des individus de la cour, on pourrait le confondre avec un lycéen lambda.

Seulement, ce n'est plus le cas. Et ce décalage le fait se sentir vieux et bizarre à la fois. Un sentiment inaudible qu'il préfère laisser se perdre dans un coin de soi.


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note de l'auteure:

J'ai écrit ce dernier tome il y a maintenant presqu'un an, gardé au chaud dans mes brouillons. Je me suis dit qu'il était peut-être temps de le publier, pour les 10 ans de larmesmauves sur wattpad :) Oups est né quand j'étais en première, à mes 17 ans. Aïe se terminera à mes 23 ans.

Petit rendez-vous journalier!! Soyez ready !!

Merci d'être encore là, après toutes ces années.


Elodie

AïeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant