Chapitre 36

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 Le feu, le sang et la peur emplissaient l'air d'une odeur nauséabonde qui collait à la peau. Des cadavres jonchaient le sol boueux et le tapissaient de la même couleur rougeâtre que le ciel matinal. Ce matin-là n'avait rien de paisible, il n'avait, en fait, plus aucune signification. Les bêtes enragées au service de la reine étaient arrivées la veille au soir et n'avaient pas cessé d'attaquer depuis. Le soleil s'était couché, puis levé, mais personne ne l'avait remarqué. Les cris avaient couverts le chant des oiseaux, tandis que des corps humains ou bestiaux avaient remplacé la vie au petit matin.

Aideen se tenait là, au beau milieu du massacre, un sourire victorieux se peignant sur son visage déformé par la folie. Elle n'avait pas changé d'habits depuis la veille et ceux-ci avaient fini par être maculés de boue et de sang séché, mais elle ne semblait pas vouloir en tenir compte. Elle n'avait plus rien à voir avec l'image d'une reine droite et bienveillante qu'elle avait voulu donner lors de son discours à l'arène. Elle ne se cachait plus, elle était telle qu'elle devait être : maléfique et folle.

La plupart de ses guerriers monstrueux combattaient et tuaient sans relâche les pauvres hommes transformés en animaux, tandis qu'une poignée seulement était partie à la recherche de Selah afin de la prévenir qu'elle devait se rendre si elle ne voulait pas qu'encore plus de sang soit versé. Elle n'aurait jamais pensé qu'autant de monde la suivrait dans son stratagème morbide. Mais il ne fallait jamais sous-estimer la cruauté de ceux qui désiraient se sauver.

Un petit chien gémit faiblement alors qu'un loup de l'armée d'Aideen plantait ses crocs acérés dans son cou. A force, l'horreur de ce spectacle sanglant ne l'effrayait même plus et laissait la jeune femme presque indifférente. Au plus profond d'elle-même, elle sentait ses entrailles se déchirer sous la violence de ses actions, mais elle tentait de refouler ce sentiment indigne d'elle. Elle ne pouvait pas reculer à cause de ses états d'âme, c'était trop tard pour cela, elle devait continuer jusqu'à obtenir ce qu'elle désirait vraiment.

Lorsqu'un nouveau cri d'agonie retentit dans la clairière pratiquement vide de vie, elle ferma les yeux pour se délecter de cette vague de souffrance. Elle inspira une grande bouffée d'air matinal souillé sur l'un des ordres et s'imagina à la tête de tout un empire, sans personne pour la déloger de son trône. Cette vision, elle en était certaine, valait bien tous les sacrifices qu'elle pourrait faire.

A plusieurs kilomètres de là, Selah se désaltérait à une source d'eau claire située sur le flan d'une montagne. Elle avait abandonné Hadès et Callan à une mort quasiment certaine, mais n'éprouvait aucun remord. Son petit groupe se portait mieux sans eux, même si de nombreuses tensions impliquant toujours Kessem étaient palpables.

Elle s'aspergea le visage d'eau pour effacer les dernières traces de sommeil qui résidaient encore dans son esprit. Ils avaient marché toute la nuit durant, ne s'arrêtant jamais afin de mettre le plus de distance possible entre le palais, Aideen et eux. En résultat de cause, ils n'avaient pas eu le temps de dormir et la fatigue se faisait désormais fortement ressentir. Seulement, ils n'avaient toujours pas la possibilité de se reposer temps qu'ils n'étaient pas en sécurité.

Kessem, vêtu avec des habits appartenant à Hadès, était accoudé contre la paroi rocheuse d'une grotte et fixait méchamment Viska depuis qu'ils avaient fait halte à cet endroit. Viska, quant à elle occupée à cueillir des baies pour le repas, ne paraissait pas tenir compte du regard pesant du pirate braqué sur elle. Du moment que les choses ne dégénéraient pas, Selah n'avait pas à intervenir.

« Nous devrions y aller, annonça Selah une fois qu'elle eut terminé de se désaltérer. Emportez le plus de nourriture possible, nous mangerons sur la route. »

Suivant ses ordres, Viska rempli son sac à dos de quelques baies, pommes et champignons de plus, avant de s'éloigner des buissons. De son côté, Primrose avala quelques bouchées de plus du moineau qu'elle avait attrapé en espérant qu'il s'agissait pas là d'un acte de cannibalisme – malheureusement, elle n'avait pas beaucoup de choix dans son alimentation, les chats étant carnivore.

La bombe anti CHWhere stories live. Discover now