Chap 42 : Râ-Metal

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Derrière les larges vitres de la passerelle, Reiko discernait des traits lumineux, lointains, qui filaient vers l'espace intersidéral.

- L'Hiryu... Le Flame Swallow...

Elle enfonça ses ongles dans le cuir de l'accoudoir.

- Big1 !

Mortifiée, elle baissa la tête, le menton agité de tressaillements incontrôlables.
"C'est injuste. J'ai opté pour cette voie et tout le monde s'acharne à me mettre des bâtons dans les roues. Ils vont voir... Ils vont voir tous ces hommes si importants... Qu'on ne peut pas dompter si aisément la volonté... D'une femme !"

- Préparez-vous pour le saut !
- Destination enregistrée dans la navigation automatique : Andromède, claironna Yattaran.
- Andromède..., répéta Reiko dans un état second.

Tetsuro se pencha au-dessus de son épaule.

- La Galaxie Éternelle... Elle porte bien son surnom celle-là. Des tourments éternels pour tous les humains qui refusent de se transformer en robots dépourvus d'âme. Je plains sincèrement les habitants de Râ-Metal qui essaient encore et toujours d'échapper à ce sort funeste.

Reiko caressa sa prothèse, songeuse.
Si son corps avait accepté l'auto-mail, ce n'était pas tout à fait le cas de son esprit.
Certes, il lui était nécessaire pour piloter et lui facilitait énormément le quotidien mais...
Elle avait l'impression qu'il appartenait à quelqu'un d'autre.
Elle ne le reconnaissait pas comme faisant partie intégrante d'elle-même.
"Si je le fixe trop longtemps, ça me donne la nausée. Et je suis sûre que ce n'est pas dû à la grossesse."

- Dis, Tetsuro...
- Hum ?
- Tu penses que l'âme disparaît ... Quand la chair est robotisée ?
- T'en fais pas, t'as conservé la tienne si c'est ce qui t'inquiète. Dans ton cas, c'est différent. Tu n'as pas altéré ton espérance de vie.
- Je ne parlais pas pour moi... Même si je me suis posé cette question... Plus d'une fois.
- Ce que je crois... C'est que lorsque l'on choisit l'immortalité, on finit fatalement par oublier les raisons pour lesquelles on existe. Les humanoïdes perdent de vue ce qui constituait leur humanité. Leur âme s'effrite à chaque seconde qui s'écoule... Jusqu'à totalement se consumer.
- Tu... Tu veux dire que...
- Cette longévité offerte par la mécanisation nous prive de notre essence-même. De notre éther.
- Nos... Sentiments ?
- La compassion, l'empathie, la pitié... Tout ce qui nous rend vulnérable... Et incroyablement tenace.
- C'est... Paradoxal ?
- Peut-être. Le cœur est l'une des faiblesses de l'Homme mais aussi...
- ... L'une de ses plus grandes forces ?
- Tout juste. C'est comme ça que je vois les choses. Si on ne se bat pas pour ce que l'on a au fond du cœur, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue... N'est-ce-pas, Harlock ?

Un sourire se dessina sur le visage du pirate.

- Tu es plus sage que tu en as l'air, Tetsuro.
- C'est grâce à l'influence d'une certaine voyageuse, lâcha celui-ci en se grattant le cuir chevelu.
- D'après toi, Koko, l'éther est-il annihilé par un assemblage de boulons et de vis ?

La pilote prit le temps de réfléchir avant de répondre à l'interrogation de Maetel.

- Je... Je l'ignore. Je ne suis pas objective. D'un côté, les sbires de Promethium... M'ont arraché tout ce que j'avais. Mes parents. Sayuri et les enfants. Mon Commandant. L'unité Vega. Et Bruce... Ils ont bien failli l'avoir aussi.

Elle croisa les bras, soudain très fatiguée.

- Mais, d'un autre côté, il est arrivé que... Que certains d'entre eux se portent à mon secours quand j'en avais désespérément besoin, poursuivit-elle en pensant à Jeff de Tabito et à Marina Oki.

Elle fit pivoter son siège pour faire face à Tetsuro.

- Je serais tentée d'attribuer leurs méfaits à la perte de leur humanité mais la vérité c'est que... J'en sais foutre rien. Tout ce qui m'importe pour l'instant, c'est que l'on mette l'armée de cette sorcière hors d'état de nuire afin qu'aucun innocent n'ait plus à souffrir par sa faute.
- Et c'est ce que l'on fera, conclut le Capitaine.
- Paré pour le Warp !
- Accrochez-vous, nous partons.

Yattaran enclencha une manette et l'obscurité de la mer d'étoiles fut remplacée par une lumière blanche irisée, hypnotique, comme si le vaisseau avait plongé dans une étendue nuageuse et cotonneuse.
De manière intermittente, des arcs rouges électriques illuminaient le pont, rosissant ses parois et la peau de ses occupants.

A Galaxy Railways Story : ReikoWhere stories live. Discover now