Chap 7 : Un repos bien mérité

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Reiko se retourna en grognant et ses yeux papillonnèrent, dérangés par la lumière du jour. Interprétant cela comme le signal de départ, le sniper se leva et quitta l'infirmerie en catimini, tombant nez à nez avec Schwanhelt Bulge.

- Tu t'en vas encore avant qu'elle se réveille ?

Bruce enfouit ses mains dans les poches de sa veste et haussa les épaules.

- C'est mieux comme ça.
- Tu ne crois pas que ça prêtera à confusion ? Ça fait déjà une semaine et tu ne lui as toujours pas parlé.
- Tout ce qui importe, c'est qu'elle se remette sur pieds.

Le Commandant croisa les bras, dubitatif.

- Je pense que tu te trompes.

L'artilleur s'éloigna, les épaules voûtées.

- Tu ne pourras pas garder les gens loin de toi éternellement.
- C'est préférable pour tout le monde.

Schwanhelt Bulge soupira en le regardant disparaître dans les couloirs du Quartier Général.
Cela faisait des années qu'il le voyait prendre ses distances avec son peloton et avec tous les êtres humains en général. Les morts successives de ses équipiers l'avaient convaincu qu'une sorte de malédiction le poursuivait, qu'il suffisait que quelqu'un le côtoie de trop près pour connaître une fin précoce et tragique.
L'incident sur la planète Émeraude l'avait tant affecté qu'il avait fait une demande officielle pour se retirer de sa fonction d'instructeur.. Le Commandant ne souhaitait cependant pas accéder à sa requête, considérant que côtoyer d'autres personnes lui était bénéfique.
De plus, Bulge était suffisamment observateur pour se rendre compte que les sentiments que son artilleur nourrissait à l'égard de Reiko dépassaient le simple attachement à une collègue. Preuve en est qu'il avait fallu faire des pieds et des mains pour l'empêcher de retourner dans la jungle la chercher elle et les enfants. D'ailleurs, lorsque la jeune femme avait émmergé de la forêt, il achevait de s'équiper pour s'y aventurer.

- Bulge !

Le Commandant fit volte face en souriant, reconnaissant la voix bourrue de Murase.

- Quelqu'un pour toi dans la salle de briefing. Quelqu'un d'important.
- Tu connais son nom ?
- Le Haut Commandement n'a pas voulu me le dire mais, à les voir courir dans tous les sens, c'est inhabituel.
- D'accord, j'y vais.
- Au fait, c'est toujours bon pour ce dont on a parlé ? L'auberge de ma famille est prête à tous vous accueillir dès demain. Le peloton Spica se joindra à nous aussi.
- Si Reiko a l'autorisation de sortie de Yûki, nous viendrons avec grand plaisir.
- Mais oui, elle est pas en sucre la nouvelle. T'es un vrai papa poule, ma parole.

***

Reiko se redressa dans son lit, les paupières lourdes. Elle fit remuer sa jambe doucement mais abandonna rapidement quand la douleur commença à irradier ses nerfs.
Des coups retentirent alors contre la porte, la tirant de sa torpeur.

- Oui ?

Manabu, Louise et David, accompagnés de Moritz, pénétrèrent dans sa chambre. La pilote eut un sourire crispé en notant que son instructeur n'était pas parmi eux. Encore.
Voilà une semaine qu'elle était coincée ici et il n'avait pas daigné lui rendre visite. Elle serra les draps entre ses doigts, chagrinée. Elle l'avait déçu à tel point qu'il ne pouvait pas la regarder en face.
Elle se sentait vide et desséchée comme une algue restée trop longtemps au soleil.

- Comment ça va, aujourd'hui ?

Manabu et Louise s'échangèrent une oeillade inquiète, en notant le trouble de leur amie.

- Bien, répondit-elle d'une voix morne.

Schneider s'assit sur le lit en lui agitant un bouquet de fleurs multicolores sous le nez.

- Pour t'aider à te rétablir.
- Ah. C'est gentil.

Bien que déçu par le manque d'enthousiasme de Reiko, il choisit de ne pas y accorder trop d'importance, mettant cela sur le compte de la souffrance et des médicaments.

- Tu sors aujourd'hui ?
- Yûki doit me tenir au courant, répondit-elle, évasive.
- Dans ce cas, à nous Robunte Roldo, s'exclama David en levant les poings.
- J'ai dit au Commandant que je n'étais pas certaine de venir.
- Pourquoi ?, s'étonna Schneider. Les onsen sont idéaux pour se remettre de blessures comme les tiennes.
- Tu dois absolument être des nôtres, insista Manabu. Les parents du Commandant Murase ont tout préparé pour notre séjour dans leur auberge de montagnes.

Elle s'adossa contre son oreiller, peu désireuse de s'étendre sur le sujet, écoutant distraitement Schneider vanter les bienfaits du grand air. Perdue dans ses pensées, elle sursauta lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit à la volée.
Un homme en uniforme gris et jaune, casquette à la main et cheveux en désordre, se tenait devant eux, escorté par un Commandant Bulge visiblement désemparé.
Reiko marqua un temps d'arrêt, sidérée par cette arrivée inattendue.

- Wawa !, s'écria-t-elle, euphorique.

Le nouveau venu se dirigea vers elle et la serra si fort contre lui qu'elle eut l'impression qu'il allait lui broyer une côte ou deux.

- Wawa, je peux pas croire que tu sois là. Tu m'étouffes.
- Évidemment que je suis là, ma Koko. Oh, désolé, s'excusa-t-il en relâchant très légèrement sa prise.
- Tu m'a tellement manqué.

Ébahis, les membres de peloton Sirius dévisagèrent Bulge qui n'en menait pas large.

- Le Commandant Warrius Zero de la Flotte Indépendante Terrienne, les informa-t-il.
- Tu es gravement blessée ?, demanda-t-il en s'écartant. Est-ce que tu es correctement soignée ? Tu n'oublies pas de manger ? Qui est responsable de ça ? Je le fais renvoyer sur le champ.
- Wawa, respire un bon coup, lui conseilla-t-elle en pouffant.
- Je suis sérieux.
- Moi aussi. Seul mon manque d'expérience est à mettre en cause. Et on s'occupe très bien de moi.
- Je t'emmène sur le Karyû pour un check-up complet.
- Ce ne sera pas nécessaire, affirma-t-elle en posant une main sur le bras de Warrius.

Elle resta silencieuse un instant avant de reprendre.

A Galaxy Railways Story : ReikoWhere stories live. Discover now