Chap 6 : Le convoi fantôme

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- On va pas y passer la journée, quand même !
- Arrête de crier, je fais tout mon possible !
- Si tu te relâches, ça finira toujours pareil. La mort ! La mort ! La mort !
- On y est depuis plus de deux heures, c'est normal que je sois moins efficace !
- Oh, vous avez besoin d'une pause, princesse ? Peut-être d'une tasse de thé aussi ?
- Très bonne vanne ça.

Bruce sortit de la cabine des commandes de la simulation et descendit les quelques marches qui le séparaient de son élève.

- C'est justement parce qu'on y est depuis plus de deux heures que tu devrais y arriver.

Reiko, le souffle court, essuya son front perlé de transpiration. Elle s'entraînait depuis des jours avec l'artilleur et elle avait l'impression de ne pas progresser d'un iota. Il était sans pitié et lui infligeait des exercices aussi physiques que mentaux.
Tous les muscles de son corps étaient douloureux, y compris ceux qu'elle ignorait posséder. L'horloge affichait à peine neuf heures du matin et elle était déjà complètement épuisée.

- Si tu étais davantage en forme, tu ne souffrirais pas autant.
- Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu veux dire par là ?, demanda-t-elle en se braquant.
- Qu'un peu plus de sport ne te ferait pas de mal.

La jeune femme recula, offusquée par ce qu'elle prit comme une insulte. Ses complexes reprenant le dessus, son assurance fut soufflée comme une bougie en fin de vie. Elle se sentit soudain balourde, maladroite et empotée.

- Qu'est-ce-que tu fais ? On n'a pas terminé !
- Moi, si.

Des larmes rageuses coulèrent le long de ses joues alors qu'elle quittait l'entrepôt de simulation. C'est comme si, inconsciemment, il lui faisait comprendre qu'elle n'avait pas sa place au sein du peloton Sirius et qu'elle ne pourrait jamais atteindre le niveau de ses coéquipiers.

- Reiko ! Attends !

Seul le claquement de la porte lui répondit.
Le sniper se passa une main sur le visage.

- J'ai trop poussé... ?

Comme lorsqu'il était chargé de la formation de Manabu, il avait du mal à canaliser son impatience et son irritation. Il voyait Reiko piétiner depuis des jours, incapable de dépasser cette étape charnière. À mesure qu'il l'observait, il avait le sentiment qu'elle se mettait elle-même des barrières invisibles qui l'empêchaient de franchir les derniers obstacles de la mission. Non pas qu'elle manque de potentiel, mais de confiance, ça c'était certain. Leur dernier échange en était la preuve. Elle doutait clairement de ses capacités et tant qu'elle ne parviendrait pas à transcender ce blocage, les simulations ne serviraient à rien.
Et puis... Et puis il savait qu'il avait besoin d'instaurer une distance dans leur relation. Il n'était pas sûr d'apprécier le trouble qu'il ressentait parfois lorsqu'elle entrait dans une pièce ou qu'elle lui souriait.
Chaque fois qu'il commençait à apprécier quelqu'un, ça se terminait mal. Owen et tous ses équipiers... Ils avaient tous fini par périr dans d'atroces circonstances.
"Bruce la Mort", c'est comme ça que les autres l'appelaient dans son dos.
Il préférait donc garder le rôle du méchant. Que ce soit avec elle ou Manabu. Ainsi, plus personne ne serait blessé à cause de lui. À cause de cette stupide, bien que réelle, malédiction.

De son côté, Reiko investit rageusement les douches féminines et se jeta sous une eau glacée. Le front appuyé contre les carreaux en céramique, elle essaya de faire le vide dans sa tête. Lorsque le liquide se réchauffa, elle retrouva un peu de calme.

- J'ai un objectif, se répéta-t-elle en se martelant le crâne contre la paroi. J'ai un objectif. J'ai un objectif.

Abandonner n'était pas une option et n'en avait jamais été une.
Si le prix à payer pour devenir un membre à part entière du peloton Sirius était de supporter ces entraînements, alors soit.
Ce qui la désolait le plus, c'était le regard critique que Bruce lui portait. Cela la peinait bien plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer.

- Je crois que j'ai pas envie de le décevoir.

Elle abandonna à regrets la chaleur bienfaisante de la cabine de douche et se sécha en quatrième vitesse. Alors qu'elle enfilait un uniforme propre, une alarme stridente la fit bondir sur ses pieds.

A Galaxy Railways Story : ReikoWhere stories live. Discover now