Chap 12 : Le Galaxy Express 999

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- Tu vas rester plantée là longtemps ?

Reiko sursauta en faisant volte face.

- C'est toi... Tu m'as fait peur.
- Le mécanisme est hors service ?
- Non... Non...

Manabu haussa un sourcil étonné.

- Ben... Tu attends quoi alors ?
- Rien, j'étais perdue dans mes pensées. Allons-y.

Toujours dubitative concernant la véracité de ses souvenirs de la veille, elle s'était arrêtée, bras ballants, devant l'entrée de la salle de pause, incapable de faire un pas de plus.
Personne n'avait jamais partagé ses sentiments.
En tout cas, personne qui ne l'attirait autant.
D'ailleurs, elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui lui plaisait chez elle.
"Je suis pas particulièrement intelligente ou jolie. Pas vraiment drôle ou spirituelle. Et clairement, je dois être la novice la moins dégourdie de la SDF..."
Une petite voix lui souffla que Bruce pouvait trouver mieux qu'elle. Bien mieux qu'elle.
La porte automatique se referma derrière eux.
En apnée, Reiko marcha comme un robot vers la cuisine pour se servir un verre d'eau.
Du coin de l'œil, elle nota que David et Bruce jouaient aux cartes et que Louise feuilletait un magazine.

- C'est la liqueur à la framboise qui t'as asséché la gorge ?
- Ouais, c'est ça...

Le nez au-dessus de l'évier et les doigts crispés sur le meuble, elle sentit le feu lui monter aux joues. Elle s'obligea à inspirer et expirer lentement jusqu'à ce que la veine de sa tempe cesse de tambouriner contre sa peau.
Elle se retourna, un brin crispée, tandis que Louise l'interpellait.

- T'es rentrée à quelle heure hier ? Schneider t'as cherchée un moment avant de partir.

Reiko hoqueta en plaquant une main contre sa bouche.
Elle l'avait oublié.
Complètement oublié.
Comment avait-elle pu commettre une telle omission ?
Enfin, ce n'était pas tout à fait vrai. Elle savait très bien comment c'était arrivé, ou du moins elle croyait le savoir.

- J'ai... Euh... Zappé qu'on était venu ensemble.
- Zappé ?, répéta David, ébahi. C'est pas le genre de choses qui se zappent.
- Elle avait mieux à faire, c'est tout, intervint Bruce en portant une canette de lait à la fraise à ses lèvres.

Reiko, qui avait cette fois-ci viré à l'écarlate, attrapa un journal pour se cacher derrière.

- Mieux à faire ? Qu'est-ce qu'il veut dire ?, l'interrogea Louise en se levant brusquement.

David, qui avait parfaitement saisi l'allusion, asséna une grande claque dans le dos de l'artilleur, qui recracha sa boisson sucrée sur la table.

- Champion !
- T'es complètement malade, ma parole ?

Le regard de l'officière radar allait et venait entre le sniper et la pilote.

- Non, est-ce que c'est bien ce que je crois ?, bredouilla-t-elle avec une voix plus aigüe que la normale.
- Non, pas du tout, s'empressa de répondre Reiko.
- Oui, c'est exactement ça, la contredit Bruce avec un sourire en coin.
- Pas possible... Vous... Vous...

Manabu s'approcha, visiblement perdu.

- De quoi vous parlez ? Qu'est-ce qu'on est supposé comprendre ?
- Que Reiko a laissé tomber Schneider pour une bonne raison aux yeux bleus et aux cheveux blonds, railla David.

Louise abattit son poing sur le journal de Reiko, déchirant quelques pages au passage.

- Vous sortez ensemble ?
- Oui, confirma Bruce. Maintenant calme-toi, j'aimerais me concentrer. J'ai une bonne main.
- Que tu dis, rétorqua David.
- Tu verras. Je te parie cent éblus que je te mets la misère.
- Tenu. Et si je gagne, tu me racontes en détail ta soirée d'hier.
- Non !, protesta Reiko.
- Désolé, mon gars, mais ça c'est pas tes oignons, dit-il en abattant ses cartes.

David lâcha ses cartes en soupirant.

- Ma déesse de la chance ne m'a pas aidé sur ce coup-là, râla-t-il en jouant avec une pièce dorée sur laquelle figurait le profil d'une très belle femme couronnée.
- C'est vrai ce qu'il raconte, Reiko ?, chuchota Manabu.

Se liquéfiant sur place, la jeune femme hocha la tête doucement. Si ses jambes n'étaient pas autant en coton, elle aurait sans doute pris la fuite depuis un moment.
Elle abaissa son journal froissé et le redressa presque aussitôt lorsqu'elle capta un clin d'œil de Bruce. À la fois mortifiée et gênée par l'attitude de son équipier, qu'elle ne pouvait se résoudre à appeler "petit-ami", elle se focalisa sur sa lecture bancale.
Le cerveau en ébullition, elle ne parvenait pas à aligner deux idées cohérentes ou à déchiffrer les symboles sur le papier.
Au moins, elle était certaine que la scène d'hier n'était pas le fruit de son imagination.

"Pelotons Spica et Sirius, départ immédiat !"

Elle accueillit l'alarme de départ en mission avec un soulagement perceptible et bondit sur ses pieds comme un ressort.
Elle emboîta le pas à son unité, qui se précipita à l'extérieur de la salle de repos.

- Hé, y'a un problème ?, la questionna Bruce en lui entourant la taille avec le bras.
- Au-aucun !, dit-elle en se raidissant. J'ai juste.. Pas l'habitude de ce... Enfin...
- Ça viendra. Et si c'est l'autre qui te tracasse, il ne t'ennuiera plus longtemps.
- Euh, non, c'est pas ça... En fait, je voudrais savoir... Hier... Mes souvenirs sont un peu flous.
- C'est quoi la dernière chose dont tu te rappelles ?
- On.. On..

Impitoyable, le sniper patienta jusqu'à ce qu'elle formule sa phrase.

- On s'embrassait. Et après, c'est un peu... Confus.
- En fait, ce que tu me demandes, c'est ce qu'on a fait de notre nuit ?, lui murmura-t-il à l'oreille.

Proche de l'apoplexie, Reiko tourna la tête avec un mouvement saccadé.
Face à l'air affolé qui se peignait sur le visage de sa partenaire, il renonça à la charrier.

- Rien du tout. Comme t'étais soûle, je t'ai portée sur mon dos jusqu'à chez toi et tu as absolument tenu à me chanter l'hymne de l'Arcadia.

A Galaxy Railways Story : ReikoWhere stories live. Discover now