Le Carillon : Le Talion

Chapitre 19

Ses mouvements étaient prestes, ses pas feutrés. Cette fois, une trentaine de mètres seulement lui suffit.

Largué et haletant, Kush revint vers moi.

-D'... d'accord... elle est rapide, expira-t-il.

-Tu l'admets enfin, Tête de bois.

Sarasa venait de réapparaître, perchée sur une branche. Elle s'y balança avant d'atterrir avec esbroufe, devant Kush. Ce dernier fut forcé d'opérer un pas en arrière. Il la dévisagea, les yeux écarquillés. Rien ne laissait deviner qu'elle venait d'effectuer un sprint. La moindre gouttelette ne perlait sur son front.

-Co... comment ? C'est impossible. Comment t'as pu grimper dans un arbre aussi rapidement. J'étais juste derrière.

-Je te l'ai dit. Je suis rapide. Plus rapide que toi, Tête de bois.

-Ne m'appelle pas comme ça ! Je m'appelle Kush.

-D'accord, Tête de bois.

Elle l'agaça davantage.

-On y retourne ou c'est suffisant pour toi ? le provoqua-t-elle, guillerette.

Kush lutta pour garder son calme.

Je ne le connaissais, que, par cœur. Il refuserait de reconnaître son infériorité, quitte à la défier toute la nuit.

-Tu ferais moins la maligne sur une ligne droite.

-Tu penses ?

L'assurance de mon alliée Accenteur le fit douter.

-Mouais.... Et puis, j'ai pas l'habitude de ce climat, moi, prétexta Kush.

Sarasa s'en amusa.

-Des excuses bidons, voilà tout ce que j'entends, commenta-t-elle.

Cette fois, elle avait eu ce qu'elle désirait. Sentir qu'elle avait égratigné son amour-propre.

-D'accord ! accepta-t-il, mais si je t'attrape t'arrêtes avec ce surnom débile.

-Entendu, Tête de bois.

Kush grinça des dents, se prépara à la pourchasser.

-Ne l'oublie pas ça cette fois, dis-je, en lui donnant son bâton, comme ça tu seras en condition réelle, comme pendant un carillon. Le lâche jamais.

Il hocha la tête, patientant que je donne le départ.

Je comptai trois, puis lançai :

-GO... GO !

Le premier pour elle, le second pour Kush. Tous deux démarrèrent en quatrième vitesse. Sarasa ne tarderait pas à creuser l'écart, il n'y avait aucun doute là-dessus. Mais la voir revenir, même pas une minute après qu'ils soient partis, m'en boucha un coin.

-Là, tu t'es surpassée, admis-je, comment t'as fait pour le semer aussi vite ?

-Un magicien ne dévoile jamais ses secrets. Mais si tu tiens à le savoir, le mien c'est le talent, tout simplement, dit-elle, avec son habituelle suffisance exagérée, avant de changer de sujet, bon, c'est qui lui ?

Sarasa n'avait jamais entendu le nom de Kush traverser mes lèvres, car Sarasa était devenue une Accenteur alors que je m'étais défait de l'espoir. Alors que la volonté de revoir un jour mes proches s'était éteinte, réaliste.

Je ne voulais plus penser à eux, plus souffrir d'envier les retrouver. Je voulais seulement vivre pour eux et, peut-être, dans un autre monde, les retrouver.

Je lui révélais qui il était, ce qui m'avait véritablement occupé ces derniers jours. Elle n'en revint pas.

-Ça, ça n'arrive pas tous les jours, lâcha-t-elle, baba.