Chapitre 9

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Je faisais les cent pas, tentais de m'échapper de ce cauchemar. Cela n'était pas possible, car je n'avais quitté la réalité.

Toutefois, mon meilleur ami ne pouvait être là. Je refusais qu'il le soit. C'était pourtant bien lui dans cette étrange combinaison anti-radiation.

Pourquoi ? Pourquoi n'était-il pas en Terrex, s'attelant à remplacer ce frère que la fatalité avait ravi à ma sœur ? Pourquoi n'était-il pas loin de cette abominable île, s'évertuant à être ce fils que ses parents ne pouvaient également perdre ?

Santé et distance avait décidé mes géniteurs à désigner ces derniers en cas de tutelle. Ce, car ma grand-mère était rongée par la mélancolie, son époux disparu, les siens à Lubumbashi, au cœur du continent africain. Famille et aïeux paternels résidaient, quant à eux, à Cayenne.

Églantine et Arnold nous avaient offerts la plus belle des éducations, nous considérant, Aaliyah et moi, comme leurs propres enfants. Ils ne méritaient d'en voir un autre disparaître.

Revoir Kush me projeta dans ce souvenir, cette dernière fois où nous avions été ensemble. Je visionnais dans ma tête mes mots durs à l'intention de sa mère, ma sortie précipitée de la maison, mon sprint dans le bois. Je n'avais pu dire adieux à Retcy, ma ville, aux Denys, ma famille d'adoption, à Aaliyah mon unique sœur. Le mimosa aperta ne m'en avait laissé la possibilité.

Longtemps j'avais éprouvé des remords, à propos de mon attitude, ce jour. Ils ne pouvaient qu'affleuraient de nouveau, à la vue de mon meilleur ami.

Je me souvenais avoir craint que ce sort lui soit aussi arrivé. Qu'il ait malencontreusement emprunté ce portail dans une tentative de me rattraper. Le temps avait finalement permis à la chose de se produire.

J'empêchais ses yeux de croiser les miens, de dévisager cette figure dégradée par cette vie dans la Laurenade. Mon ami d'enfance ne m'avait pas reconnu. Avais-je tant changé ?

Lui beaucoup. Je le constatais.

Du coin de l'œil, je me rendais compte que l'enfant au corps potelé, qui m'était inférieur d'une tête, n'était plus. Le retard de taille avait été rattrapé. Ses joues, comme le reste, avaient perdu leur convexité.

Sur le plan comportemental, je retrouvais un peu plus mon ami d'enfance, sur ses gardes, tâchant d'endiguer la panique qui le submergeait. Je le sentais également prêt à taper le premier.

Un gloussement, qui m'échappa, le détendit quelque peu, sans pour autant lui faire baisser sa garde.

-J'imaginais pas ça... comme ça, dis-je, rompant le silence.

Ses traits du visage se desserrèrent à l'écoute de ma voix amicale.

-V... vous parlez français ? s'étonna-t-il.

La sienne avait mué.

L'entendre me vouvoyer était tout aussi cocasse qu'insolite.

-Je ne vous veux aucun mal, commença-t-il, en ouvrant les mains devant lui, avant de désigner le logo en haut à gauche de sa tenue, représentant trois personnes, l'une portant assistance aux deux autres, je suis là pour vous aider.

Je ne pus m'empêcher de rire comme un bossu.

-Je crois que celui de nous deux qui peut aider l'autre c'est plutôt moi, Kush.

La prononciation de son prénom le laissa sans voix.

-Qu'... qu'avez-vous dit ?

-Kush. Ton prénom.

-Comment savez-vous comment je m'appelle ?

Je pris une grande inspiration, me plaçai parfaitement face à lui.

Le Carillon : Le TalionNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ