Chapitre 8

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En nage, je laissai mon binôme me distancer, encore. Ma gêne ne semblait pas pressée de se retirer.

Elle m'était presque sortie de l'esprit, deux jours auparavant, pendant de la recherche de la Caissub. Je m'étais efforcé de ne pas y penser, voilà pourquoi. Là, se sentant sollicité, la douleur me faisait comprendre qu'elle était installée pour un moment.

Fier comme Artaban, Sarasa attendait, tout sourire, que je la rattrape.

-Tu vas me sortir quoi comme excuse cette fois, l'épaule ou l'inconnu qui te suit.

-Commence pas.

Je regrettais de ne pas être allé courir de mon côté, afin de ne pas subir ce sarcasme incessant. D'un autre côté elle avait raison. On ne s'entraînait pas du tout ensemble.

Ces innombrables arrêts la pénalisaient, altérant sa préparation. La mort pouvait me prendre, moi, à cause de cette blessure, je refusais que cette dernière soit fautive de celle mon amie.

-Bon, bah alors nouvelle pause, proposa-t-elle.

Comme si la chose ne s'imposait pas déjà à moi.

-T'es sûr que ça va ? Ҫa paraît plus grave que ça en a l'air.

-Que ça aille ou pas, j'ai pas le choix. Je peux pas rester au nid à rien faire.

-T'as le droit d'être blessé, Aaron.

-Blessé ou non ça change rien. Je m'entraîne.

-On croirait entendre Bog.

Non, lui était véritablement taré, ne pouvant se passer de s'entraîner pour le Carillon.

-Bon, alors on va ralentir le rythme.

-Non, on reste comme ça, refusai-je, en me remettant debout, hors de question que cette blessure prenne les décisions à ma place. On y retourne.

-Comme tu veux, accepta-t-elle, en haussant les épaules, mais n'aggrave pas ce que t'as.

L'appel à la prudence d'Ophelia nous intimait de nous exercer non loin du nid. En temps normal, une personne suffisait à saper les prétentions d'éventuelles maraudeurs. Après ce qu'avait décelé Nayah, une plus grande présence était nécessaire. Certes, la situation n'était pas nouvelle, cependant, il n'était pas uniquement question de Non-nids cette fois.

Nos exercices de course, du jour, seraient donc sommaires. Il nous faudrait rentrer et changer de discipline car nous devions opérer un turnover avec le trio Bogdan, Shaheen, Eliot, respectivement, 42, 35 et 9 carillons. Ceux-ci préféraient s'adonner au combat mais avaient tout de même besoin de courir, afin d'appliquer notre stratégie. Particulièrement le Roitelet qui, dans ses déplacements, étaient encore traînant et bruyant.

De son côté, Ophelia s'éloignait rarement. Elle réalisait son entrainement seule ou se joignait aux gars. Son aisance au combat, enforcie par une expérience de 52 cars, faisait qu'elle courrait peu. Elle tenait à être présente si ça chauffait au nid.

Quant au couple, Nayah/Kyle, qui comptaient respectivement 27 et 39 cars, ils alternaient équitablement combat et course. L'un comme l'autre, ne voulant perdre sa moitié, connaissait l'importance d'une excellente préparation. Ils seraient de retour au nid avant le déjeuner, en même temps que nous.

-En tous cas t'as pas intérêt à clamser au prochain carillon à cause de cette épaule. Je me foutrais de la gueule de qui, ici, si t'es plus là. 

-Je te cache pas que j'ai pas hâte de l'entendre.

-Moi si. Ce serait pas mal un petit carillon qui nous débarrasse de deux ou trois Cases, plaisanta Sarasa.

-Pas sympa, ça, en ris-je pourtant.

-Parce qu'ils le sont, eux. Je parie qu'ils souhaitent encore plus nous voir crever.

-Du coup combien de pertes ils ont eu ?

-Deux. C'est ce que Kyle a appris des Merles.

Kyle était notre émissaire, celui qu'Ophelia envoyait pour délivrer un message à un autre nid.

-Et les autres ? me renseignai-je.

-Une personne pour les Merles, pareil pour les Tangaras.

Les Océanites et les Synallaxes, du fait de Speculators parmi eux, ne perdaient jamais beaucoup de membres.

-Et... pas de disparition ?

-Euh... non, non. Pas que je sache. Pourquoi cette question ? s'étonna Sarasa.

-Rien, rien pour rien.

Son air suspicieux me fit regretter d'avoir posé la question. Heureusement, elle ne creusa pas davantage pour comprendre.

-Bon, on se fait une petite course jusqu'au nid.

-Si tu veux, même si j'ai déjà perdu.

-Même sans cette épaule t'aurais perdu. Mais je vais être sympa. Je te laisse cent mètres d'avance, proposa-t-elle, avec suffisance.

-T'abuses. 

-Quoi, deux-cents ?

-Arrête ! J'ai pas non plus une jambe cassée.

-Comme tu veux.

Et elle partit sans prévenir.

Je ne me fis aucune illusion, n'essayai pas de la rattraper. Je ne voulais pas que mon épaule en pâtisse à nouveau.

Avant de repartir, on accapara mon audition. Un ricanement.

Je me retournai.

Lui.

-Toi ! lâchai-je, d'un timbre de voix qui révéla mon animosité.

Ces yeux bleus, cette risette provocatrice. Je m'étais promis de l'étriper si je le recroisais. Je ne pensais pas qu'il m'en donnerait l'occasion de sitôt.

Je ne perdis pas une seconde et bondis sur lui. Je ne comptais pas le lâcher d'une semelle.

L'inverse eut finalement raison de moi lorsque je le perdis de vue.

-Merde ! m'en voulus-je.

Ce nouveau succès l'encouragerait à revenir me provoquer. Pour lui, cela était l'entraînement idéal.

Tout à coup, alors que j'achevais de retrouver une respiration régulière, je l'entendis. Là, derrière, une dense verdure.

Il devait m'attendre.

Je pris une profonde inspiration, me jetai rageusement au-dessus de la plante. La surprise fut totale.

Nous nous retrouvâmes tous deux à terre, moi au-dessus de lui.

-Tu fais moins le malin maintenant, hein.

La déception m'envahit alors. Ce n'était pas lui. Il y avait erreur sur la personne.

Le malheureux que je relevais portait une tenue qui n'était pas celle de l'enquiquineur. Une combinaison d'une fluorescence qui m'irradiait les yeux. Le masque à gaz, qui avalait sa figure, m'empêchait de bien le voir. Toutefois, je parvenais tout de même à discerner des traits masculins. Là-dessous, avec cette chaleur, il devait crever de chaud.

Il entreprit de s'en libérer.

-Désolé, je pensais que...

L'appareil filtrant l'air retiré, la stupeur me saisit, le sang dans mes veines se frigorifia. Lui supplanta l'effroi. Un effroi qui n'était pas pour moi, mais pour lui. Pour lui qui se tenait-là, face à moi. Pour lui qui n'aurait pas dû être là, face à moi.

Ses iris angoissées partageaient la nuance de l'émeraude. Son humeur, que je connaissais badine, avait laissé place à l'appréhension.

Ce grain de beauté, établi depuis tout petit aux abords de sa pommette, et identique à celui que sa mère arborait au-dessus de la lèvre, me le confirma.

Il s'agissait bien de Kush, mon meilleur ami.

Le Carillon : Le Talionजहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें