Chapitre 11

6 3 0
                                    

Sarasa me parlait depuis le début du repas, je n'aurais su dire de quoi. J'entendais sans écouter, présent mais absent, me demandant pourquoi le malheur éprouvait tant d'affection à mon égard.

Le décès de mes parents, ma disparition, la venue de Kush. Les miens et moi étions-nous tous destinés à un sort funeste ?

Mon adaptation avait été longue, épineuse, un temps qui m'avait paru interminable. J'avais fini par m'y habituer. M'habituer à cette routine. Entraînement, Carillon, Caissub. Entraînement, Carillon, Caissub, et rebelote. Une boucle infernale brisable qu'en son centre, par décision de la Mort.

Désormais, mon quotidien comprendrait aussi Kush. Je reléguais par conséquent mes interrogations concernant un probable Auditiva au second plan. Tout autant que celles à propos de ce captif emmené par les Cinabres. La boucle infernale de mon meilleur ami ne devait être rompue avant la mienne. J'empêcherais que cela n'advienne.

-Eh oooh, tu m'écoutes.

-Hein, quoi ?

-Je te demandais si ça te dit ?

-Euh... oui, oui, bien sûr, m'empressai-je de répondre à Sarasa.

Cette dernière captura un insecte qu'elle enfourna dare-dare dans ma bouche. Je le recrachai comme un boulet de canon.

-Beurk... mais qu'est-ce qui tu prends ?

Bogdan et Shaheen en éclatèrent de rire.

-Je t'ai demandé si ça te disait de me dire quel goût avait ce bousier. Tu viens de me répondre que oui, m'expliqua-t-elle, d'une voix espiègle.

-Ah...

-Quoi, tu m'écoutais pas ?

Comme si elle ne s'en était pas rendu compte, ne me l'avait pas fait payer en mettant cette bestiole dans ma bouche.

-Si, bien sûr que si. Ça ferait un bon apéritif.

-Pourquoi tu l'as recraché alors ?

-Euh... parce que le goût est particulier.

-En même temps celui-là vient à peine de s'alléger.

-Quoi ! Dégeu.

J'expulsai cette salive qui en était imprégnée. Si la nourriture ne représentait pas quelque chose de précieux dans la Laurenade, sans doute aurais-je déjà restitué ce que j'avais avalé.

Sarasa trouva mon attitude aussi désopilante que la précédente.

-Allez, dis-moi.

-Te dire quoi ?

-Ce que t'as. T'es ailleurs depuis qu'on a commencé à manger.

Pour dire vrai, j'étais ailleurs depuis bien avant.

-Rien, rien du tout.

-Et où est-ce que t'es passé tout à l'heure ?

-Il m'a encore suivi.

Sarasa n'avait même pas l'air surprise.

-Qu'est-ce que ça a donné ?

-Pareil. Il m'a semé.

-J'ai l'impression que c'est personnel entre toi et lui.

Moi j'avais surtout l'impression qu'Ophelia prêtait l'oreille à notre conversation. Ce qu'il ne fallait pas.

-On dirait bien.

-Demain on s'en occupe. On le cherche et on lui donne une bonne leçon, proposa Sarasa.

-Si tu veux.

Il me faudrait donc fausser compagnie à mon amie avant de retrouver Kush.

Le Carillon : Le TalionWhere stories live. Discover now