Chapitre VI, ou la Lune après les Nuages (Partie 2 : La Lune)

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Ai-je vraiment réussi... ?

Cette pensée fut telle une compagne pour Yumeth le long de la journée ; une compagne autant sombre et attachée à sa psyché que son ombre à son être.

Lors de sa dernière journée de convalescence, Yumeth avait consenti à rester confinée dans l'infirmerie, mais à la condition de recevoir les rapports primaires concernant la Bataille du Fort ; et depuis lors, la mer de réflexions qu'était son âme se refit tumultueuse.

Un jeune adjudant de Priam lui avait apporté une pile de papiers, et à la lecture des premières lignes, l'intérêt de Yumeth pour la chose s'amoindrit : selon le compte rendu des combats, le doute qui rongeait la jeune stratège de l'intérieur n'avait aucune raison d'être. D'un point de vue purement tactique et selon les lois de la guerre, le Fort Sud avait remporté une victoire écrasante, éliminant non seulement les ennemis jusqu'au dernier - y compris leur commandante - mais également avec un taux de mortalité relativement bas, si mis en rapport avec ses attentes initiales.

Yumeth avait, à première vue, autant de raisons qu'astres dans les cieux nocturnes de de réjouir de cette victoire : sa stratégie avait fait florès, guidant les troupes vers le triomphe à un prix apparemment bas.

Mais la jeune femme ne pouvait simplement se résoudre à accepter cette réalité.

Il y avait... des gens qui, malgré tout, avaient trouvé trépas. Nonobstant ses efforts, ses recherches, ses nuits passées à la lueur des bougies...

Yumeth était consciente qu'elle ne pouvait sauver tout le monde. Bien qu'elle ne se considérât pas exactement comme une combattante, elle connaissait les principes sanglants et injustes d'une bataille. Et pourtant... son esprit refusait de se calmer.

Son imagination avait toujours été vive, intense. Rêves comme rêveries, moult chimères s'imposaient dans ses songes : elles lui faisaient entrevoir les vies des familles des victimes, des pères quittant leurs enfants sans savoir que c'était la dernière fois, des fils saluant leurs mères dans une promesse de retour qui, toute somme faite, n'aura jamais lieu d'être tenue... si Yumeth n'avait pas su son imagination toute puissante, si elle n'avait pas été si habituée aux visions des miroirs - choses qu'elle pensait toujours imaginées, seule explication qu'elle pouvait leur trouver - elle aurait presque pris ces images pour des souvenirs.

L'un d'eux était bien une remembrance, cependant... celle d'un enfant, l'épée dorée de Sowilo passée dans sans cœur.

Les Immolés, le peuple maudit de Nusakan... Yumeth avait entendu ce nom énigmatique se mêler à crainte et dégout sur les langues de tant de personnes. On les disait des barbares aux croyances sanglantes, des rebelles en voulant à la couronne du pays, des chercheurs en quête  d'une vérité empoisonnée, interdite... si leur nature et celle de leur "malédiction" demeuraient voilées de mystères, tout les habitants du continent avaient une certitude concernant ces rejetés : leur bannissement était le fruit d'un grand péché - tant terrible, que même une déesse autant proche et aimante de son peuple que la Naë n'avait pu le pardonner. 

Yumeth en avait eu un terrible aperçu, donnant à ses sentiments flous une ancre. 

Ils avaient envoyé un enfant sur un champ de  bataille. 

Peu en importe la raison. Une telle action était, en soi, rien de moins qu'un péché. 

Et cet enfant avait été tué. Par Sowilo qui plus est - Sowilo, qui avait pour principe de ne faucher la vie qu'en dernier et ultime recours. Quand le choix ne serait plus une option. Yumeth savait combien le Chevalier devait en souffrir sous son sourire.

Cet enfant... était-il orphelin ? Avait-il été privé d'une quelconque famille ? Qui était-il ? Que faisait-il en ce lieu de toute façon ? Pourquoi avoir ainsi attaqué ?!

Deos Dormit (En Pause)Where stories live. Discover now