Chapitre IV, ou Poussière/d'Astre et de Terre (Partie 2 : d'Astre)

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- T'inquiète pas, tu finiras par t'y habituer.

Après être lourdement retombée sur ses pieds, quittant le dos d'Apollon, le destrier de Cassandre, Yumeth tituba sous le regard consolateur de la jeune soigneuse, laquelle descendait lentement de sa scelle afin de ne pas chuter de sa monture. Cette dernière, beau cheval à la barde cérulée, arborait une robe aussi brune que la chevelure de sa cavalière, dont les jambes rencontrèrent le sol dans un << hop là ! >> oscillant entre paniqué et encourageant.

- Je commence à perdre espoir... marmonna Yumeth, forçant ses jambes à se délaisser de leur pose courbée.

Elle tenta de marcher, constatant l'once de douleur qui s'accrochait toujours à ses cuisses, aux niveaux des étrivières en particulier. Elle s'obligea à esquisser davantage de pas, priant pour que la douleur se déloge de ses muscles et que les cieux lui octroient le don de se mettre en scelle sans en souffrir un jour.

Doucement, elle se retourna pour fixer Cassandre, sur son visage un assez perfide petit sourire, et d'un ton qu'embrassait une nuance d'avertissement, murmura :

- Il n'y a pas intérêt à ce que les autres l'apprennent, hein Cassandre ?

Son interlocutrice balaya l'air d'un geste de la main ;

- Voyons ma chère Yumeth, fit-elle, tu me connais bien pourtant : jamais je ne révèlerais les petits complexes croustillants des autres comme ça...

- C'est bien ça le problème, Cassandre, contra Yumeth en inspirant profondément. Je te connais trop bien.

La jeune soigneuse n'eut point le temps de répliquer, car à leur rencontre vinrent les deux cavaliers restants, apportant avec eux une air que Yumeth n'aurait point été surprise de voir crépiter : Nero marchait promptement, boudeur, épinglé par un regard malicieux de Kara et son immarcescible mauvais sourire.

... Quoi encore ?!

Leur petite chamaillerie risquait de faire passer leur animosité l'un envers l'autre, d'une simple atmosphère électrique à un incendie immaitrisable s'ils ne mettaient point leur rancune de côté.
Mais qu'est-ce que Sowilo avait donc perçu en eux au juste ? Ou... ou était-elle juste incapable de gérer n'importe quelle interaction avec autre chose qu'un livre ou une peinture... ?

La jeune tacticienne soupira, décidant de ne point frôler plus longuement l'initiative de poser la fatale question. Concrètement, ce n'était pas son équipe. Ce n'était que des compagnons de fortune. Et, nonobstant l'absconse douleur que cela suscita au fond de sa poitrine, ce n'était pas des connaissances suffisamment proches pour que ce fut son problème.

Son unique souci était la résolution du conflit du Fort Sud, non ceux d'entente entre les autres. Elle souffla et se massa la tête, songeant avec nostalgie à la pille de vieux volumes sur l'histoire de Nusakan, demeurés dans sa chambre, et une bonne tasse de thé fumant contre le froid...

Alors que les trois chevaliers attachaient leurs chevaux à l'un des arbres à la bordure du bois, Yumeth regarda celui-ci, tentant d'issir sa conscience de sa rêverie pour l'ancrer dans la présente réalité. Un vent glacial lui parvint, et elle trembla, expirant doucement. C'est alors que ses sourcils se froncèrent, avant que leur poids ne se fasse renvoyer par un écarquillement soudain de ses yeux, une touche d'effarement venant s'y inscrire. La jeune femme se força à calmer le mouvement effréné de sa poitrine, ascendant avant de déchoir au rythme de saccadées respirations, le tout autour d'un cœur palpitant douloureusement.

Elle... elle pouvait le voir. Le sentir au même titre que la sueur coursant le long de son être.

Durant quelques instants, les yeux de Yumeth reflétèrent une luminescence dorée ; c'est alors qu'elle vit se tracer devant elle, flottant dans l'air entre les troncs, une sorte de filet luisant, telle une constellation étoilée. La chose paraissait posséder la consistance d'une fine poudre flavescente, une trainée de poussière d'astre ; un fil d'Ariane au bout duquel, cependant, nullement paix ils allaient retrouver : Yumeth en avait la certitude. C'était une piste beaucoup trop claire - telle une lumière qui saluait les papillons nuiteux, égarés et naïfs.

Deos Dormit (En Pause)Where stories live. Discover now