CHAPITRE 8

1.4K 77 21
                                    

CASSANDRE


Carmen fait la moue.

— T'es dure en affaire ! J'accepte mais à une condition...

— Là tu dépasses les bornes, lui dis-je.

— Une toute petite condition ! Je veux que tu me tires les cartes.

Je souris.

— Je ne t'ai jamais dit non pour ça.

— Je sais mais... comme t'as été refroidie la dernière fois.

Le souvenir de mon ultime tirage m'enfonce une stalagmite dans le cœur. Je n'aurais jamais dû jouer avec les cartes pour mon propre destin. C'est pourtant une règle d'or que j'avais promis de suivre. Si grand-mère savait que j'ai désobéi, elle serait terriblement déçue.

— N'en parlons plus, imploré-je.

J'ai déjà assez de mal comme ça à me sortir de la tête l'image des trois cartes qui se sont dévoilées.

Le diable.

Le jugement dernier.

Le pendu.

Un frisson me dresse les poils sur la peau. Quelqu'un aurait trafiqué le jeu pour me terroriser qu'il ne s'y serait pas pris autrement.

— C'est oui, alors ?

J'acquiesce. Carmen bondit en criant « yessss » puis fonce dans le placard du meuble télé pour récupérer les bougies. Elle passe tellement de temps ici qu'elle connaît aussi bien les lieux que moi. À l'image du reste, les bougies sont blanches, immaculées. Mon père accepte d'en acheter parce qu'il pense que je m'en sers pour créer une atmosphère avec de la lumière tamisée le soir. J'invoque la carte de l'écologie, qui lui tient à cœur. Forcément, sa place de doyen de l'université ne lui permet pas de se donner une sale image sur tous les sujets brûlants de l'actualité.

S'il savait que je m'en sers pour mes tirages de cartes, je morflerais. Il m'a formellement interdit de pratiquer « la sorcellerie » – ce sont ses mots – de ma « cinglée de grand-mère ». Il n'a jamais pu s'entendre avec sa belle-mère et les choses ont empiré après le décès de ma maman. Il ne croit pas une seule seconde qu'un don circule dans notre lignée. Pour lui, ce n'est que de la folie occulte.

Carmen embrase plusieurs mèches tandis que je me rends dans ma chambre pour récupérer mon jeu favori. Il s'agit du tarot de Marseille, celui que pratique ma grand-mère. Les cartes viennent de la ville en question, que je n'ai eu l'occasion de visite que deux fois au cours de ma vie. Si ça ne tenait qu'à mon père, il me couperait complètement de ma famille mais ma grand-mère, en dépit de ses moyens financiers modestes l'empêchant de venir ici à sa guise, n'a jamais eu l'intention de se laisser faire.

Nous nous installons au sol sur le tapis qui habille le carrelage froid. Il ne suffit pas à réchauffer l'atmosphère mais il est déjà plus confortable que la matière brute.

— Tu sais déjà quelle question tu veux poser ?

— Pourquoi je n'ai le droit qu'à une ?

— Je fonctionne comme ça, Carmen. Tu ne vas pas me jouer le coup de la surprise !

Ma grand-mère m'a enseigné notre méthode ancestrale ainsi. Une unique interrogation. Pas plus. C'est comme ça que notre « don » s'actionne. Et il faut reconnaître que jusqu'ici, aucune de mes prédictions ne s'est avérée fausse. Tout comme celles de mon aïeul.

Carmen soupire.

— Alors oui, je sais quelle question je veux poser.

Elle prend une grande inspiration, plonge son regard dans le mien et de l'air le plus sérieux du monde, me dit :

KILL BILL (Dark Romance)Where stories live. Discover now