KILL BILL (Dark Romance)

CHAPITRE 4

CASSANDRE

L'acidité de ses mots me brûle la peau.

— Je te trouve bien renseigné sur moi pour quelqu'un qui me qualifie de « pas intéressante », rétorqué-je. Va falloir accorder tes violons avant de vouloir me taper l'embrouille.

Axel arque un sourcil tout en redressant l'anse de son sac à dos sur son épaule. Le verni bleu foncé sur ses ongles me ramollit le bide. Ce n'est pas un artifice que j'apprécie particulièrement sur un garçon. Au pire, je trouve ça moche, au mieux ça me laisse indifférente. Mais sur lui... je ne sais pas. Il est tellement viril que cette part de féminité le rend encore plus sensuel. Plus dangereux. Comme le fragment antinomique d'un puzzle complexe.

Peut-être que ça vient des doigts étrangement longs et charpentés au bout de ses mains puissantes. Suis-je folle de me demander jusqu'où il pourrait les enfoncer en moi ? Il faut reconnaître que ses épaules larges et sa mâchoire sculptée ne sont pas innocentes dans ce fantasme intempestif. Ce mec est détestable à souhait mais c'est aussi le seul capable de faire pâlir Apollon de jalousie. C'est comme si la vie lui avait donné toute la splendeur du monde mais histoire de compenser, s'est dit « tiens, je vais aussi en faire un connard. Ce sera plus drôle. ».

— Il faut dire que la discrétion ne fait pas partie de ton arsenal. On n'entend que toi dans les amphis. Si tu cherches à te faire caster pour une télé-réalité, tu es bien partie.

— Promis, si on me contacte pour « L'amour, mon chien et moi », je penserai à toi.

Autour de nous, les murmures s'accentuent. La foule prend un malin plaisir à observer notre joute verbale et je doute que le premier cours de l'année puisse se vanter d'attiser autant la curiosité et l'attention.

— Avec plaisir, me dit-il. Je n'y connais rien au premier, mais tu seras excellente à quatre pattes.

Ma mâchoire se décroche, frôlant le linoléum hideux qui recouvre le sol de l'administration. Le temps de reprendre mes esprits, je rétorque :

— Je ne voudrais pas te voler la vedette. Remuer la queue quand t'es content te correspond si bien.

Des tas de « ouuuuh » ponctuent nos répliques à l'un comme à l'autre.

Axel secoue la tête. Son air agacé indique combien il aimerait être partout sauf ici en train d'avoir cette conversation. Cela ne l'empêche pourtant pas de la poursuivre, montrant à quel point son ego est fragile. Il refuse de me laisser le dernier mot. Dommage pour lui ! Je n'ai pas l'intention de lui faire cette fleur.

— Tu n'as plus rien à dire ? raillé-je. Tu en profiteras pour mettre un peu de couleur dans ta tenue, on dirait que tu vas à un enterrement. Celui de ta dignité, sûrement.

Il arque un sourcil, baisse les yeux, puis relève la tête vers moi. Son masque de dureté craquelle et contre toute attente, il éclate d'un rire franc. De séduisantes fossettes se creusent sur ses joues à mesure que son visage laisse échapper une hilarité dont je ne comprends pas l'origine. Quelle mouche l'a piqué ?

— Un conseil mode venant de la part d'une nana qui porte deux chaussures différentes, je crois que je vais survivre. J'ai entendu dire qu'il reste de la place à la maternelle du coin pour apprendre à compter deux par deux et à écrire son prénom en majuscule. N'hésite pas à leur faire signe !

Il place son index et son majeur contre sa tempe puis les écarte, avant de s'éloigner en continuant de ricaner. C'est alors que son rire contamine la foule qui se joint à lui.

Je n'ai quand même pas fait ça...

Je baisse les yeux et... horreur. Si mon pied gauche porte bien une de mes nouvelles Louboutin noir mat, le droit revêt l'une de mes anciennes d'une nuance plus satinée. Ce qui explique pourquoi la douleur est aussi localisée à gauche alors qu'il ne s'agit même pas de mon pied dominant. Comment ai-je pu commettre ce crime de haute trahison ? La brigade du mauvais goût devrait m'arrêter et me jeter en cellule.

Je me tourne vers Carmen qui se marre autant que les autres.

— Tu ne pouvais pas me le dire ?! m'insurgé-je.

— Je t'ai dit que je trouvais ça original. Je pensais que t'avais fait exprès moi... il faut dire que tu n'es pas la dernière à tenter une excentricité.

Elle n'a pas tort. Je refuse toutefois de l'admettre à voix haute. Je suis trop vexée comme un pou de m'être laissée écraser par le pseudo Bad Boy de la promo pour ça...

Alors que la foule se disperse, je grommelle :

— Je suis sûr qu'il a une petite bite.

Carmen secoue la tête en se mordillant la lèvre.

— Moi je pense qu'il a une matraque.

— Tu me dég' ! Personne peut le blairer, ce n'est pas un hasard, souligné-je. À part Rayane. Je me demande bien ce qui lui vaut ce traitement de faveur.

— Il lui suce la bite, affirme Carmen.

Un éclat de rire m'échappe. Si je voulais continuer à faire la gueule, c'est raté.

— T'es con ! C'est surtout toi qui aimerais lui sucer la bite, avoue.

— Tellement, soupire Carmen les yeux perdus dans le néant d'un fantasme que je ne préfère même pas imaginer.

— Je ne vois vraiment pas ce que tu lui trouves.

— J'aime trop son regard de mauvais garçon et sa voix bien grave là...

— Elle n'est pas si grave que ça, contré-je avec une mauvaise foi palpable.

Ah non ? Alors pourquoi tu la sens résonner dans tes os quand il parle ? Un frisson glacial accompagne cette manifestation de ma conscience.

— Toi t'as pas apprécié qu'il ait le dernier mot.

— Il l'a eu parce que j'ai bien voulu le lui laisser.

Carmen m'avise d'un air désapprobateur. Je capitule.

— D'accord, il a peut-être remporté une première bataille...

Je relève fièrement la tête, observant le couloir par lequel Axel a disparu. Une énergie nouvelle s'écoule dans mes veines, me donnant la force de soulever des montagnes. Ce type ne perd rien pour attendre. Je vais lui montrer qu'on ne s'en prend pas impunément à Cassandre Caldwell.

— ... mais j'ai bien l'intention de gagner la guerre.

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