CHAPITRE 15

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CASSANDRE


Alors que tout le monde s'amuse aux quatre coins de la maison, gobelet ou appareil photo jetable à la main, je traverse la maison d'un pas furieux pour accéder au jardin. J'ai vidé deux verres qui traînaient sur la console en chemin, plus le mien avant de quitter la salle de billard. Le navire tangue, mais je reste à flot.

La propriété possède une vaste pelouse avec un tas d'arbres et de fleurs dont je ne connais pas la moindre espèce. Je n'ai jamais eu la main verte. En revanche, cet environnement m'évoque l'apaisement. Les nombreuses fois où mon père m'a vexée par ses remarques ou son manque de considération, je suis venue me réfugier ici. Observer ses employés en train d'arroser la végétation est sûrement un réflexe qui me vaut d'être appelée une bourge mais j'ai fait ce que j'ai pu avec les armes que j'avais.

Sur la terrasse, je retrouve Carmen en train de fumer avec des nanas de notre promo que je n'apprécie pas particulièrement. Elles doivent en avoir autant à mon service puisqu'à mon arrivée, elles déguerpissent avant même que j'aie le temps d'ouvrir la bouche.

— Je sais t'as perdu, t'es dégoûtée. Surtout que si j'ai bien compris, c'est toi qui a foiré le dernier coup ? Ça m'étonne de toi, t'es une as au billard, je t'ai rarement vu te louper. Bon après les versions divergent selon qui me la raconte, entre les gens bourrés et ceux qui aiment en rajouter une couche. Tu me pardonneras, j'ai pas eu envie de rester après m'être fait recaler par l'autre connard.

La seule chose positive que je retire de cette tirade, c'est que ma meilleure amie a l'air suffisamment vexé par Axel pour ne plus avoir envie de s'intéresser à lui. À quelque chose malheur est bon...

Encore que, connaissant Carmen, elle est capable de changer d'avis d'ici demain. Elle n'est pas des plus rancunières.

— J'ai fait exprès de perdre, grommelé-je.

Elle n'a pas le temps de me demander davantage de précisions que je lui choppe sa clope au coin des lèvres pour tirer dessus à mon tour. La fumée me brûle la gorge. Une violente quinte de toux me saisit à tel point que je dois me courbée, main en appui sur les genoux pour cracher mes poumons.

Entre deux éclats de rire, Carmen me dit :

— Meuf ! T'as jamais fumé de ta vie. C'est n'importe quoi... je peux filmer ?

— Bravo le sens des priorités, rétorqué-je avec une voix que je ne reconnais pas. Et la solidarité.

J'ai l'impression d'être devenu Boris, le chauffeur routier qui crame des cigarillos achetés pendant ses voyages répétés en Amérique latine.

— Je peux pas exceller partout, il faut bien en laisser un peu aux autres.

Une fois ma maîtrise de moi-même retrouvée, je me maudis d'avoir cédé à l'impulsion débile de tirer sur la clope de Carmen. Je n'ai jamais eu envie de fumer de ma vie. Je voulais juste... évacuer ma rage.

— Comment ça t'a fait exprès de perdre ? finit par me demande la brune.

Elle laisse la fumée se répandre dans son corps comme s'il s'agissait d'oxygène.

— Il m'agaçait tellement avec ses grands airs et ses petites réflexions mesquines... Je suis pas mauvaise joueuse mais...

Face au regard désapprobateur de Carmen, je rectifie :

— D'accord ! Je peux être un peu mauvaise joueuse sur les bords, parfois...

Du bout des lèvres, elle articule silencieusement le mot « parfois » à plusieurs reprises. Je décide de l'ignorer pour poursuivre :

— Disons que l'idée de nous saboter pour qu'il perde surpassait la frustration de ne pas obtenir la victoire. T'aurais vu sa tête quand il a compris que j'avais fait exprès de foirer mon coup. Qui, soit dit en passant, était d'une simplicité enfantine. Je suis sûre que je lui ai pourri sa soirée et rien que pour ça, je suis fière de moi.

À bien y réfléchir, ce n'est pas vraiment la fierté qui coule dans mes veines. Plutôt un cocktail d'émotions vives comme la colère, la rancœur et un autre truc qui crépite mais que je n'identifie pas. Sûrement de la rage ou une autre connerie dans cet esprit.

Peu importe ! Je ne suis pas là pour me jouer psychanalyste du vendredi soir mais pour kiffer la fête organisée chez moi à l'insu de mon père.

— On se resserre à boire ? proposé-je.

Carmen écrase son mégot sous sa semelle et en croisant mon regard, elle se précipite pour le ramasser. Le premier qui me laisse le moindre déchet sur la terrasse se souviendra de mon nom pour le restant de ses jours. Rien ne doit dépasser quand mon père rentrera. Autrement dit, moins il y aura de ménage à gérer, mieux je me porterai. Même si techniquement, Carmen s'est engagée à prendre tout ça à sa charge demain.

Je sais que je peux lui faire confiance, mais je sais aussi qu'elle a deux de tension après une bonne cuite.

— Et comment ! Mais avant, je veux savoir où tu en es sur ton pari ?

L'idée de répondre « quel pari » m'effleure l'esprit. Au lieu de quoi, je soupire et dis :

— On est encore là-dessus ?

— Je n'ai qu'une parole. Et toi ?

— OK ! OK ! Je vais le galoche, l'autre abruti. Il aura bien de la chance de fourrer sa langue entre mes lèvres.

Même si j'aimerais que ce CONNARD déguste mes autres lèvres pour se rendre compte que NON ! mon vagin n'est pas fossilisé. Merde ! Je crois que je suis bourrée.



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KILL BILL (Dark Romance)Where stories live. Discover now