*.✧ 𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝕯𝖊𝖚𝖝 ✧.*

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Brooklyn, Etats-Unis, 3 Octobre

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Brooklyn, Etats-Unis, 3 Octobre.

Au creux des plis de l'air, exhalé d'ivresse, se perdit un long soupir désapprobateur.

D'aussi loin qu'il était capable de s'en souvenir, Gabriel n'avait jamais apprécié ces mots sortis de la bouche pâteuse de cet individu. A dire vrai, il les haïssait.

La mine agacée, accompagné de son froncement de sourcils délibéré, Gabriel déposa son écharpe sur le comptoir et prit place sur le tabouret juste à la droite de son géniteur. Tout juste fut-il installé, que le barman de la soirée s'approcha pour savoir ce qu'il lui plairait de consommer. L'employé n'eut pas le temps de prononcer le moindre mot que le jeune homme émit un geste souple de la main, suivi d'une légère agitation de la tête pour lui signifier qu'il ne désirait rien. Il n'était guère là pour prendre du bon temps, mais bien pour s'occuper de la loque qui tentait vainement de se tenir droite sur son siège. Prendre un verre, même de soft, aurait eu pour unique effet de conforter Harold dans son plaisir abusif de picoler à une heure tardive.

Au milieu d'un espace comblé de buveurs de cocktails, de bières et de vins, face à un mur orné de bouteilles de breuvages et le nez agressé par le parfum du whisky d'entrée de gamme dont se désaltérait − à coup de pleines gorgées − son géniteur, le jeune homme se sentait extrêmement mal à l'aise. L'ambiance frivole des lieux communautaires ne lui déplaisait pas tant, mais fondamentalement c'était bien plus l'allègre consommation d'alcool qui le gênait.

Son dégoût ne se fit pas prier qu'il vint prononcer, du bout de ses lèvres bleutées par le froid, son aversion.

— Je vois que tes efforts payent déjà, lâcha-t-il d'une voix basse teintée de condescendance, tout en scrutant le verre presque vide qu'Harold serrait entre ses doigts maladroits.

Deux semaines auparavant, au cours de leur dernière rencontre, Harold lui avait assuré − avec si peu d'entrain − qu'il s'était inscrit auprès d'un groupe d'alcooliques anonymes. A l'écouter, il était prêt à changer de vie. Tout du moins, à en laisser une belle promesse, comme toutes celles qui avaient pitoyablement précédées.

Harold agita confusément sa main droite, en quête d'une protestation qui parut peu crédible face à l'impétuosité du caractère de son fils.

Une seconde s'écoula, tout au plus, avant que le temps ne se mette sensiblement à ralentir. Un goutte à goutte presque imperceptible, telle une pluie fine. Sur un rythme léger, défilant lentement, avant que l'orage ne se mette brusquement à craqueler le voile d'un ciel nuancé de songe.

Le poids du silence qui s'installa entre eux n'avait rien de bien étrange pour Gabriel. Seulement, pour celui qui se disait être son père, sentir sur lui le regard froid du jeune homme eu raison de sa tourmente. L'alcoolique eut tout d'un mouvement de recul. La courbe de son corps usé, voûté, se tassa un peu plus sur son siège. On se serait facilement mépris à penser que le poids du monde reposait lourdement sur ses épaules fébriles. Ses bras reposèrent mollement sur le comptoir, tandis qu'il agitait le glaçon de son whisky pour le faire valser dans le reste d'eau-de-vie.

Esprit VagabondWhere stories live. Discover now