• CHAPITRE SOIXANTE-DIX-HUIT •

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Les murs de mon appartement semblent se refermer sur moi à l'instant même où je sors de l'ascenseur. Peut-être aurais-je dû opter pour un terrain neutre, mais l'idée de larguer cette bombe en public n'était pas envisageable. Mes équipes de sécurité ont déjà assez à gérer. Je ne vais pas risquer de partager cette information n'importe où. Je lui fais enfin face et je l'invite à me précéder. Elle fait un pas et trébuche maladroitement sur le tapis. Mes mains s'étirent instinctivement pour la rattraper, mais au moment où nos peaux se frôlent, je la relâche comme si son contact m'avait brûlé. Voilà pourquoi il est primordial que j'aille au plus vite à l'essentiel. Parce que mon abruti de corps n'est pas fiable devant ses grands yeux de biche ! Le monstre me jette au visage notre rencontre cette fois-ci. Elle arbore exactement la même expression que lorsqu'elle était prise dans les phares de ma voiture. Elle entrouvre la bouche pour prendre une légère inspiration et je sais d'ores et déjà que cette image se gravera dans ma mémoire comme toutes les autres qui me tourmentent depuis des semaines. J'ai besoin d'un verre! D'un geste presque brusque, je me libère de ma veste dans laquelle j'ai la sensation d'étouffer et je me dirige vers mon bar pour nous servir. Bourbon pour moi, vin pour elle, même si je suis persuadé qu'après cette révélation, elle regrettera de ne pas boire d'alcool fort. Entêtée comme elle est, elle refuse le verre que je lui tend et croise résolument les bras sur sa poitrine.

— Crois-moi, tu en aurais eu besoin pour ce qui va suivre.

— Ne tourne pas autour du pot et viens-en aux faits.

Tout mon corps se tend et ma voix est aussi dangereuse qu'une lame effilée quand je lui réponds.

— Ne crois pas un seul instant que tu sois en droit d'exiger quoi que ce soit, Angelina.

— J'aurais dû me douter que tout ceci n'était encore qu'un plan perfide de l'équipe Reed pour arriver à ses fins.

— Je te demande pardon ?

— Si ce sont des explications que tu...

Un rire glacial s'échappe de ma gorge. Je termine mon verre et je m'en sers un autre sans attendre. Quelle putain de blague! J'aurais dû laisser mes avocats prendre contact avec elle. Mon intention était d'aller à l'essentiel ce soir, mais il semble qu'elle ne me laisse pas le choix.

— Je n'ai pas besoin de tes éclaircissements, Angelina. Je pense avoir parfaitement compris. Et si tu penses un instant que c'est la raison de ta venue ici ce soir, tu te trompes grossièrement.

— Pourquoi tant de mystères alors ?

Je m'apprête à lui donner satisfaction, mais elle s'enflamme sans crier gare.

— À vrai dire non ! C'est beaucoup trop simple. Qu'as-tu compris au juste, Hayden ? Éclaire-moi, car cela m'intrigue grandement ! Parce que si c'était réellement le cas, la moindre des choses aurait été de me présenter des excuses pour ce que tu as fait !

Le monstre n'attendait que ça. Il se libère, sort toutes griffes dehors et le contrôle m'échappe.

— Ce que moi j'ai fait ?

Je serre si fort mon verre qu'il se brise dans le creux de ma main. J'entends les éclats de verre qui tombent autour de moi, mais je n'y prête pas attention. Le monstre a pris les rênes de la situation.

— Ce que moi j'ai fait, Angelina ?

— Tu devrais passer ta main sous l'eau, se contente-t-elle de me dire.

— Je t'ai posé une question ! j'explose.

Elle recule d'un pas sous la violence de mon intonation et ses yeux reflètent un mélange de surprise et de crainte. L'effet est comme une douche froide pour moi. Je ne suis qu'un putain de monstre! La terreur dans son regard en est la preuve. Un frisson désagréable parcourt ma colonne vertébrale et la douleur que j'ai ignorée jusque là m'électrise maintenant presque tout le bras. Sans un mot, je m'éloigne pour rejoindre la cuisine. Je ne sais pas combien de temps s'écoule, mais je reste là, la main sous l'eau froide, jusqu'à ce que je sois parfaitement calme. Ce n'est qu'une fois que je suis certain que tout est sous contrôle que j'enroule ma paume dans un torchon avant de retourner vers elle.

Elle est installée sur le canapé, son verre de vin désormais vide devant elle et elle me fixe d'un regard intense, comme si elle attendait que je sois celui qui brise le silence oppressant. Le monstre reste tapi dans l'ombre, mais la tension dans l'air persiste. L'atmosphère est aussi lourde que l'enjeu de la conversation à venir. Je m'approche et m'installe dans l'un des fauteuils en face d'elle.

— Écoute, Angelina, je ne t'ai pas amenée ici dans le but d'avoir cette conversation. Tu es revenue il y a des jours, si tu l'avais souhaité, nous aurions pu avoir cette discussion bien avant.

— Comment sais-tu que je suis de retour depuis un moment ? demande-t-elle avec une pointe de lassitude dans la voix.

Quoi que je dise, cela me desservira et je le sais.

— Ce n'est pas le sujet et je crains fort que ma réponse ne te plaise pas.

— Tu vois, Hayden, c'est précisément cela le problème. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de partir en premier lieu, mais il semble que tu n'aies pas retenu la leçon.

Quoi?

— De quoi parles-tu ? je demande, totalement perdu.

— De la Julliard !

C'est officiel, je suis complètement largué.

— Quoi la Juilliard ?

— Tu vas me jouer le couplet de l'amnésique soudainement ? fulmine-t-elle.

Soit mon cerveau n'est plus irrigué correctement en sang à cause de ma blessure, soit je suis vraiment le dernier des demeurés, mais je ne vois pas où elle veut en venir.

— Croyais-tu véritablement que je n'apprendrais jamais que tu as intercédé en ma faveur afin que j'aie une deuxième audition ? demande-t-elle la voix tremblante.

— Quoi ? Attends... es-tu réellement en train de me dire que c'est la raison pour laquelle tu m'as quitté ?

Il semblerait que ce soit à son tour d'être surprise. Je rêve!

— Tu ne peux absolument pas être sérieuse !

— Si je le suis ! explose-t-elle. Comment savais-tu pour la Juilliard ?

— Je...

— Non ! Tu sais quoi ? Non ! Je n'ai même pas envie de le savoir, me coupe-t-elle brutalement. Dis-moi juste pourquoi tu t'es octroyé le droit de jouer impunément avec mon destin ?

— J'essayer simplement de t'aider !

Et c'est la vérité pure et dure. Il n'y avait aucune autre intention cachée derrière.

— Et je ne t'ai jamais demandé ta putain de charité ! hurle-t-elle.

Les larmes lui montent rapidement aux yeux et je reste muet, submergé par sa révélation. Je ne comprends pas...

— Angelina...

— Tu m'as amené pour une raison, laquelle ? demande-t-elle férocement.

Je ne l'ai jamais vu avec une expression aussi fermée. Le débat semble clos pour elle. Ce n'est donc pas la peine de faire durer le suspens plus longtemps. J'attrape mon ordinateur portable sur la table basse et je trouve en moins de dix secondes le contenu que je souhaitais lui montrer. Je clique sur le bouton lecteur et je tourne l'écran vers elle. Ses sourcils se froncent un moment avant que son teint ne vire au blanc.


🖋️ Prochain chapitre, ce vendredi à 18h30.

BALLERINAWhere stories live. Discover now