• CHAPITRE SOIXANTE TROIS •

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— H —

Je suis dans le pétrin... Alors que mon regard se pose sur la ballerine allongée à mes côtés, cette phrase tourne en boucle dans ma tête. Mes pensées agitées m'ont tenu éveillé une grande partie de la nuit et je n'ai trouvé qu'une seule conclusion : Je suis dans un putain de sale pétrin ! Je prends un instant pour l'observer, me demandant ce qui l'a poussée à rester, à supporter mes confessions les plus noires sans fuir. Une lueur d'espoir fragile et chancelante s'immisce dans les recoins de mon cœur endurci. Je me demande pour la centième fois si elle pourrait être celle qui apaisera mes tourments, celle qui me tendra la main dans mes moments les plus sombres. Un mélange de peur et de désir se déchaîne en moi, une tempête tumultueuse qui menace d'emporter toute raison. Je sais que je ne peux lui offrir la légèreté et la joie qu'elle mérite, mais une part égoïste de moi souhaite qu'elle reste, qu'elle partage ce fardeau avec moi. C'est une requête déraisonnable, une demande qui témoigne de mon égocentrisme et de mon incapacité à protéger ceux qui s'approchent de moi, mais en dépit de tout cela, je brûle étrangement à l'idée de la laisser explorer les méandres de mon âme tourmentée. J'ai l'impression que mon équilibre est précaire, en suspens entre la possibilité d'un lien rédempteur et la perspective inévitable de la destruction. Le monstre en moi aura-t-il la patience d'attendre pour voir si cette connexion fragile qui nous unit est suffisamment solide pour survivre aux ténèbres qui me dévorent ?

La ballerine se réveille et ses paupières papillonnent en douceur. Lorsque ses yeux rencontrent les miens, un sourire sincère illumine son visage.

— Bien dormi ? demande-t-elle d'une voix encore ensommeillée.

— Comme un roc, je mens.

— Quelle heure est-il ?

— C'est une bonne question, je réponds distraitement.

Je saisis mon téléphone portable à côté du lit et m'immobilise d'un coup en découvrant qu'il est bien plus de neuf heures du matin. Un sentiment d'horreur s'empare de moi alors que je réalise que j'ai raté une réunion cruciale pour la signature d'un contrat sur lequel j'ai travaillé sans relâche depuis des semaines. Un juron étouffé m'échappe. Mon comportement inhabituel et cette dérive de ma routine millimétrée sont entièrement imputables à la ballerine ! Chaque minute de ma vie a toujours été minutieusement orchestrée avant que nos deux mondes ne se télescopent. Je suis d'ordinaire un homme réglé comme une horloge, mais depuis qu'elle est entrée dans mon quotidien, elle est devenue une force perturbatrice qui a ébranlé les fondations de mon existence bien ordonnée. Et malgré les pensées qui m'ont tenu éveillé cette nuit, malgré les émotions qui ont fait rage en moi, je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de frustration à cette idée. Ce contretemps est plus qu'un simple retard à une réunion. C'est une fissure dans mon armure, une preuve tangible de ma vulnérabilité face à...

— Que se passe-t-il ? demande-t-elle comme si elle avait perçu mon trouble.

— J'ai une journée de travail chargée, je réponds d'un ton tendu.

Je quitte le lit pour aller me glisser sous une douche brûlante. Je reste un moment sous l'eau, jusqu'à ce que la vapeur envahisse l'air pour m'isoler dans ma bulle, mais même ici mes pensées se tournent inévitablement vers elle. Je me suis souvent accroché à mes ténèbres comme à un refuge lorsque les choses échappaient à ma logique implacable... Pourquoi diable ai-je l'impression que c'est différent avec la ballerine ? La soirée de la veille me revient en mémoire avec une clarté surprenante. Elle a été là, présente, écoutant mes confessions les plus sombres sans jugement ni rejet. J'ai partagé avec elle les secrets et les détails les plus terribles de mon passé, ces fragments de moi que j'ai préféré garder enfouis à l'abri pendant des années, mais elle n'a pas fui et elle n'a pas détourné les yeux. Au lieu de cela, elle m'a offert son corps pour que je m'y perde jusqu'à en oublier mon propre prénom. Elle m'a offert... une échappatoire... Eh, merde ! Je jure, secoué par mes pensées dangereuses. Je ne peux pas me permettre de m'abandonner à des émotions qui risqueraient de me consumer davantage. La douleur est mon carburant, ma motivation pour avancer et je ne peux pas m'en défaire aussi facilement juste parce qu'Angelina Carter m'a tendu une main sans même s'en rendre compte. Pourquoi cette femme est-elle devenue un mystère si captivant, un puzzle à résoudre à tout prix ? Pourquoi ne puis-je pas simplement lui tourner le dos et continuer mon chemin ? Merde, merde, merde ! Je grogne, conscient que je ne suis clairement pas prêt à affronter les sombres recoins de mon âme pour trouver les réponses que je cherche. La tentation de laisser mes barrières s'effondrer est grande, mais je sais que ce serait un piège mortel. Je suis hanté par mon passé et inviter quelqu'un à entrer sciemment dans mon monde obscur signerait une condamnation pour nous deux. Il est plus sage de verrouiller mes émotions à double tour et de maintenir mes distances pour la protéger autant que pour me protéger moi-même. Je tourne la poignée de la douche, laissant l'eau glacée me frapper le visage pour calmer les flammes qui dansent en moi. J'ai besoin de recouvrer mon sang-froid.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant